Comprendre et lutter contre le harcèlement moral au travail, avec Stéphanie Carpentier – Droit Devant #8

Stéphanie Carpentier Invitée Podcast-Droit-Devant

Dans cet épisode, j’ai eu le plaisir de recevoir Stéphanie Carpentier, Présidente et Fondatrice de la société DR.RH & Co.

Stéphanie est experte en management de la relation des ressources humaines et prévention de la santé au travail. Elle apporte son aide aux entreprises qui font face à une situation de souffrance au travail dénoncée par un collaborateur.

Avant de rencontrer Stéphanie j’ai d’abord découvert son travail par le biais de son blog où elle est très active. J’ai trouvé ses travaux sur le harcèlement moral extrêmement intéressants et c’est pourquoi j’ai voulu la faire participer à cet épisode.

Avec Stéphanie, nous avons parlé de son parcours et de comment son histoire personnelle et familiale l’avait conduite à se consacrer au vaste sujet de la souffrance au travail.

Elle a ensuite répondu à l’une des principales réserves souvent formulées par les salariés harcelés qui pensent que le harcèlement est nécessairement un processus orienté vers une seule et unique victime.

Or, non le harcèlement moral peut être institutionnel et résulter d’une politique générale d’entreprise. Stéphanie m’a d’ailleurs livré à ce propos son analyse du dossier France Télécom.

Stéphanie a également évoqué avec moi les différents profils et comportements de harceleurs auxquels elle a été confrontée dans le cadre de ses travaux.

Elle a également décrypté pas à pas le processus de harcèlement moral à l’égard des victimes et les sentiments qu’elle identifie à l’origine de ce type de mécanismes.

Dans notre échange, elle a enfin expliqué comment elle agit une fois qu’une situation de souffrance a été portée à sa connaissance : l’importance de l’identification et de l’information à destination des équipes.

Elle nous livre aussi un guide pratique des actes managériaux à éviter pour traiter les situations de harcèlement moral au travail.

Enfin, la dernière partie de l’entretien consiste en des conseils précieux à destination des victimes : comment en parler et réagir ?

Quels sont les outils à mettre en place qui permettent de prendre de la distance face à la situation.

Bref, des outils pratico-pratiques qui aideront, je l’espère, ceux qui font face à une telle situation de dérive.

Vous pourrez retrouver Stéphanie Carpentier sur Linkedin

et sur son site internet : DR.RH & CO

et sur son blog RH :

J’espère que ma voix enrouée – j’étais grippée ce jour-là – ne vous empêchera pas d’apprécier cet échange.Je vous souhaite une très bonne écoute.

Si cet épisode vous plait je vous invite à me laisser un avis 5 étoiles sur I tunes afin de m’aider à faire connaître plus largement ce podcast

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Retranscription du podcast :

Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir sur Droit devant, Stéphanie Carpentier présidente et fondatrice de la société DR RH and co.

Stéphanie est experte en management de la relation des ressources humaines et prévention et la santé au travail, elle apporte son aide aux entreprises qui font face à une situation de souffrance au travail, dénoncé par l’un de leurs collaborateurs.

Avant de rencontrer Stéphanie, j’ai d’abord découvert son travail par le biais de son blog et j’ai trouvé ses travaux sur le harcèlement morale extrêmement intéressants, vous pourrez le voir, elle a beaucoup écrit sur le sujet. Elle y donne des conseils avisés à destination des entreprises : que faut-il faire pour ne pas faire face à un salarié qui en harcèle un autre ? ces conseils sont aussi formulés à destination des salariés en souffrance. C’est pourquoi j’ai voulu la faire participer à ce podcast consacrer au harcèlement moral.

On a parlé de son parcours et de comment son histoire personnelle et familiale l’avait conduite à se consacrer au sujet la souffrance au travail. Elle a ensuite répondu à l’une des principales réserves souvent formulées par les salariés harcelés qui pensent que le harcèlement moral est nécessairement un processus orienté vers une seule et unique victime. Or non, Stéphanie le précise, le harcèlement moral peut être institutionnel et résulter d’une politique générale d’entreprise. Stéphanie m’a d’ailleurs livré à ce propos son analyse du dossier France-Télécom. Elle a également évoqué avec moi les différents profils et comportements d’harceleur auquel a été confronté dans le cadre de ces travaux, elle a de décrypté pas à pas le processus de harcèlement moral à l’égard des victimes et les sentiments qu’elle identifie à l’origine de ce type de mécanisme.

Dans notre échange, Stéphanie explique comment elle agit lorsqu’une situation de souffrance a été porté à sa connaissance, l’importance de l’identification de l’information à destination des équipes. Enfin Stéphanie nous livre un guide pratique des actes managériaux à éviter pour traiter les situations de harcèlement moral au travail et la dernière partie de l’entretien, vous le verrez consiste à donner des conseils précieux à destination des victimes. Comment en parler et réagir ? Quels sont les outils à mettre en place qui permettent de prendre de la distance face à la situation ? Bref des tuyaux pratico-pratiques qui aideront, je l’espère, ceux qui font face à une telle situation de dérive.

MM – Bonjour Stéphanie, bienvenue sur droit devant, je suis ravie que tu aies accepter d’intervenir sur ce podcast !

SC – Merci à toi ! Bonjour à tes auditeurs, je suis ravie que nos différentes disciplines puissent se rencontrer à autour de ce podcast.

MM – Alors j’ai découvert tes travaux qui sont passionnants sur ton blog, extrêmement riches et j’ai pleins de questions à te poser sur cette thématique du harcèlement moral qui est un sujet phare. Avant d’aborder plus en détails tes travaux sur le harcèlement, je voudrais qu’on commence par parler de toi Stéphanie, tu es experte en management des ressources humaines en prévention de la santé au travail, tu es à la tête d’une société qui s’appelle DR RH and co qui veut être donc pour les organisations finalement ce que le docteur en médecine est pour l’individu, et donc, au quotidien tu aides les dirigeants et les managers à détecter à lutter contre les situations souffrance au travail.

SC – Voilà avec, cela fait 20ans que j’ai trois activités professionnelles que ce soit le conseil, l’enseignement supérieur ou la recherche puisque je suis docteur en management et que j’ai exercé en activité pendant des années à l’université, donc j’ai toujours des trois activités que je concilie avec des degrés différent, et donc, la subtilité est que le harcèlement est un des éléments tabou dans notre structure et auquel on a du mal à faire référence parce que finalement ça fait toujours mal de dire qu’on est harceleur ou harcelé.

MM – Alors justement, cela fait partie des questions que l’on va aborder mais tout d’abord, je voulais savoir pourquoi est-ce que tu as choisi de te consacrer à ce vaste sujet la souffrance de travail ? J’ai lu sur ton blog qui fait échos a beaucoup de situations que j’ai eu à traiter dans mon cabinet, qu’il y avait à l’origine de cet engagement une histoire personnelle est-ce que tu peux me parler de cette histoire personnelle ?

SC – Alors il y a deux choses qu’il faut comprendre, la première c’est que je suis arrivée sur la question de la souffrance au travail par mon doctorat, qui ne portait pas sur ce sujet-là en particulier. Au départ je travaillais sur la situation de management des commerciaux BtoB et je voulais savoir en quoi les nouvelles technologies changent notre façon de travailler. Mon doctorat je l’ai commencé il y a une vingtaine d’années et donc ça n’avait rien à voir avec la souffrance au travail et, c’est mon sujet de doctorat qui était lié à mon histoire familiale : je suis la fille de deux entrepreneurs de PME et les conversations de famille qu’il y avait autour de la table c’était souvent la question de comment on peut faire pour mieux manager ses commerciaux, pour mieux les motiver, ils étaient dans les entreprises BtoB et donc c’était « comment on fait pour toujours améliorer le contrôle, la motivation et le management des commerciaux. » Cela m’a certainement influencé dans le choix de ma scolarité et quand je suis arrivé en doctorat, j’ai voulu travailler sur cette question-là d’autant plus que les nouvelles technologies venaient de faire leur apparition dans les pratiques management. En clair je me suis rendu compte, par la démarche qualitative que j’ai eu dans les entreprises, que des commerciaux BtoB que l’on voulait un peu plus que contrôler dans leurs activités, supposait que l’on utilise en plus de nouvelles technologies et que l’on cherche à optimiser le système d’information et se faisant je me suis rendu compte que cela pouvait créer de la souffrance au travail. Ce sont vraiment les données du terrain, des commerciaux BtoB qui m’ont dit « voilà, je suis fliqué en permanence, on ne me fait pas confiance » et j’ai dû comprendre de quoi on parlait : de stress, de d’autres types de souffrance, de maltraitance managériale ou bien du harcèlement. Donc du coup c’est comme ça que je suis arrivée sur les questions de souffrance au travail. Ça c’est pour mon doctorat, et à côté de ça, il se trouve que moi-même j’ai été confrontée à des situations de harcèlement moral à titre personnel et professionnel, et donc quand soit même on est confronté à ça, premièrement c’est très dur de comprendre que c’est bien de ça dont il s’agit, première chose. Et puis en plus que c’est très dur s’en sortir et donc j’ai voulu faire un mariage entre que ce que je voyais de par mon doctorat et ma propre expérience, et c’est comme ça que je me suis spécialisée sur cette compréhension de qu’est-ce qui fait dans une entreprise, que l’on peut basculer du jour au lendemain de la performance et du bienêtre au travail au contraire, vers de la souffrance et une performance pouvant dégrader très rapidement la structure.

MM – Alors est-ce que, dans ces situations que tu as tu as observé, car en réalité c’est une analyse du terrain qui t’as amené à en faire ce constat-là et à décider de lui consacrer finalement une partie de ton activité professionnelle, on entend parfois qu’en réalité le harcèlement moral est une situation individuelle ? J’ai des clients de mon cabinet qui sont parfois dans cette situation et qui considèrent en réalité qui ne sont pas les seuls à être visés par un manager toxique, ils sont finalement tous logés à la même enseigne que leurs collègues qui sont plusieurs à être harcelés. Et donc est-ce qu’on peut vraiment parler de harcèlement moral alors même que ça serait à un système organisationnel, est-ce qu’on peut vraiment parler de harcèlement moral quand on a toute une équipe soumise à ces mêmes conditions de travail stressantes, dures mais qui finalement ne vise pas forcément individu en particulier ?

SC – Alors le problème du sujet du harcèlement c’est qu’il faut regarder les choses au niveau de l’individu, au niveau du collectif, au niveau de l’organisation et même au niveau de la société. Si on est dans une entreprise qui est implantée dans différents pays, il y a la dimension interculturelle qui intervient, donc ça c’est une première chose, à la question est ce que le harcèlement moral c’est au départ une question individuelles, les psychologues répondent que oui, c’est bien une question individuelle et la preuve en est un peu tout ce qui a été écrit en la matière. Le cas France-Télécom récemment jugé, nous a montré que le harcèlement moral institutionnel existe bel et bien, et donc finalement les tribunaux nous permettent maintenant officiellement de se dire qu’il y a une jurisprudence qui reconnait que le harcèlement moral n’est pas un problème perso, cela peut déteindre sur une équipe, sur une organisation et c’est bien pour ça que le harcèlement moral doit être considéré, à mon sens, pas seulement sur la dimension d’un individu. C’est pour ça que les sciences de la gestion, les sciences du management, qui sont mes disciplines doivent aussi s’intéresser à la question et ne pas laisser que les psychologues qui sont les premiers à avoir traiter ces questions, s’occuper de ce sujet d’entreprise.

MM – Pour que l’on fasse un petit focus sur le dossier France-Télécom, parce que justement tu nous as parler de harcèlement moral institutionnel, donc en fait, ce qu’il faut savoir, c’est qu’en décembre dernier, les juges du tribunal correctionnel de Paris ont innover en fait en reconnaissant le délit de harcèlement moral institutionnel et que, en fait dans ce dossier-là, tout a commencé avec un grand plan de départs volontaires qui visait à obtenir le départ de plus de 22 000 personnes, et que les méthodes mises en place pour prévenir ce nombre de départs, ont été très dures à vivre pour certains salariés et s’en est suivie une vague de suicides dans l’entreprise, avec des victimes qui ont mis en cause directement la politique de France-Télécom et la questions était la suivante : Est-ce que France-Télécom aurait commis un harcèlement moral institutionnels en mettant en œuvre une politique générale d’entreprise qui était stressante, déstabilisante ? et en fait, la réponse est oui puisque sur le banc des accusés nous avions le PDG de l’entreprise, son bras droit, le directeur des ressources humaines et il y a eu des peines ont qui ont été prononcées (un an d’emprisonnement, 8 mois avec sursis,  des amendes de 15 000€, et puis des amendes qui ont été infligées à la société Orange). Voilà le harcèlement moral institutionnel et a été reconnu récemment par le tribunal correctionnel.

SC – Il faut quand même avoir en tête que les peines qui ont été prononcées semble être minimes par rapport à d’autre dossier qui ont été déposés à l’origine de ce jugement, mais par rapport à la loi, à l’époque en vigueur, c’est pratiquement le maximum qui a été prononcé.

MM – Effectivement c’est très intéressant ce dossier, c’était un contexte extrêmement particulier, on était sur un vaste plan de départs et en réalité il y avait des consignes vraisemblablement assez précises qui ont été diffusées pour obtenir les départs des uns et des autres, des gens qui ne pouvait pas être licenciés par ailleurs, car ils étaient soumis à un statut particulier qui empêchait de rompre le contrat dans n’importe qu’elle conditions, donc effectivement ce sont des méthodes de management pour le moins curieuses, irrationnelles et anxiogènes qui ont été déployées et ça a été reconnu par le tribunal correctionnel.

SC – Tout à fait, et c’est ce en quoi ce jugement va vraiment faire jurisprudence à mon sens, et qui permet vraiment maintenant de parler de harcèlement moral institutionnel et pas simplement de penser que c’est une question de personnes.

MM – D’ailleurs tu en parlais déjà de harcèlement moral institutionnel sur ton blog avant-même l’intervention de cet arrêt.

SC  – Parce que c’est ce qui nous permettait comprendre tout ce qui est écrit sur France-Télécom concrètement c’était pas qu’une question de personne quand vous avez 22 000 personnes qui doivent partir sur 120 000 il me semble, il y a tellement de choses qui ont été mises en place, même il y a eu des formations que ont été faites en la matière pour que les cadres comprennent ce qu’ils devaient faire donc ce n’était pas une question de une personne qui se lâchait pour faire partir à un membre de son équipe, non c’était bien les consignes, c’était bien des formations sur la meilleure façon de faire en sorte que les gens partent d’eux même. La question était de savoir, à mon sens, plus quelles seraient les peines encourues plutôt que de la reconnaissance du harcèlement institutionnel en lui-même.

MM – J’ai lu sur ton blog aussi, sur lequel tu as beaucoup parlé, beaucoup analysé les comportements en entreprise, tu as brossé des portraits avec des descriptions assez précises sur les profils des bourreaux et des victimes que tu as pu rencontrer. Est-ce que en réalité tu considères qu’on peut trouver une sorte de profil type de l’harceleur moral en entreprise ? Est-ce qu’on peut établir une sorte de portrait-robot des auteurs du harcèlement ?

SC – Alors oui c’est tout à fait possible et sur mon blog j’ai fait ce travail de mettre à la disposition de mes lecteurs, gratuitement d’ailleurs, les profils de bourreaux et de victimes, en utilisant mon expérience sans bien sûr cité le nom des structures dans lesquelles je suis intervenue par respect de la confidentialité, mais aussi en faisant appel à des auteurs qui écrivent en la matière. Donc ça c’est une première chose, à partir de là oui on peut reconnaitre des profils de bourreaux, on a tendance à croire que le harcèlement moral n’est fait que par le fameux pervers narcissiques dont tout le monde parle, et j’ai tendance à dire et c’est prouver par la littérature, qu’il n’y a pas que les harceleurs de  vocation on va dire, il n’y a pas que les gens qui prennent plaisir à faire du mal déjà, il y a d’autres personnalités toxiques, la littérature est très claire en la matière il y a des personnes dites pervers narcissiques, des personnes machiavéliques, des personnes de qui sont plutôt psychopathes, et il peuvent tous faire du harcèlement moral et si on se cantonne au harceleur « reconnu », il y a ceux qui sont des harceleurs de vocation, qui ont vraiment le comportement pathologiques et qui y agissent ainsi en conscience et il y a les harceleurs de fortune c’est à dire des gens qui dans ce contexte-là ont fait du harcèlement sans même le savoir mais dans d’autres contextes n’en aurait pas fait, et puis il y a ce qu’on appelle aussi des harceleurs harcelés, c’est un psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie qui fait cette clarification, et ces harceleurs harcelés sont en claire des anciennes victimes de harcèlement qui pour ne pas retomber côté victime, deviennent bourreaux à leurs tour.

MM – Donc une posture radicalement inverse de celle qui ont eu à subir !

SC – De façon préventive « faisons du harcèlement histoire afin de ne plus être la victime » parce que c’est très dur de s’en sortir. Donc si on fait appel à la littérature on voit qu’il n’y a pas que le pervers narcissique qui fait du harcèlement et puis il y a des personnes qui de temps en temps font du harcèlement mais qui font d’autres types de violence de façon plus régulières.

MM – Tu nous parles de la littérature, effectivement qui sont consacrées à l’analyse de ses comportements et c’est également ce à quoi tu es confrontée au quotidien, le descriptif de ces comportements ?

SC – Bien sûr, tous les articles que j’écris sur mon blog sont toujours basé sur la réalité de mon quotidien, simplement pour respecter la confidentialité, je ne parle jamais des entreprises en elle-même et puis je suis aussi un chercheur et j’ai beaucoup sur la matière et donc je fais le mariage de la théorie et de la pratique dans mes articles.

MM – Oui, je pense que c’est très intéressant pour ton blog, c’est en fait une illustration de cas concrets à l’appui d’analyse assez théorique finalement.

SC – Je viens d’une famille d’entrepreneurs donc j’ai toujours eu ça en tête, se dire « bon concrètement c’est quoi le problème, est-ce que la littérature peut me donner des réponses ? » et à l’inverse le truc que je trouve super au niveau de la littérature c’est de se dire « oui mais ça répond à quelles réalités ? » et c’est la particularité de profil c’est que je suis aussi bien opérationnelle depuis 20ans que dans le côté universitaire académique. Il y a plusieurs mécanismes qui sont très connus en psychologie sociale par exemple ou en psychopathologie qui montrent que peut faire du harcèlement sans être soi-même un pervers narcissique. Et c’est bien ça qui rend les choses plus difficiles à prouver parce que on fait face à différentes configurations.

MM – Cela peut devenir du harcèlement au quotidien en réalité

SC – Très souvent, c’est ça oui ! C’est vrai que si on a quelqu’un qui fait du harcèlement volontaire et en conscience, donc en clair un vrai méchant, et en est en principe souvent elles sont dans des postes à responsabilités, hélas, car elles ont d’autres qualités par ailleurs qui leur permet d’y accéder, et bien d’une certaine façon elles vont instiller cela et vont infecter toute l’organisation. On peut considérer que le harcèlement moral est un cancer organisationnel et la subtilité est que quand on vient à couper la tête de cette personne-là, qui fait du vraiment du harcèlement en conscience, c’est souvent trop tard, ce n’est pas radical donc on préfère souvent se séparer à l’amiable et c’est terrible, c’est un désastre complet pour l’entreprise et en plus cette personne-là a profondément modifié les comportement des gens, les pratiques de management et même, d’une certaine façon, induit une nouvelle culture d’entreprise. Et donc ce n’est pas parce que nous nous sommes séparés de cette personne que l’on sera pour autant en bonnes santé.

MM –  Alors on va parler juste après des méthodes que tu recommandes de de mettre en place en tant qu’entreprises à ce type de situation, mais juste avant, pour clore le sujet en avec le sujet de la classification que tu as fait des bureaux et des victimes, ce que tu nous as expliqué est très intéressants sur le de descriptif des comportements et sur les profils des bourreaux, est-ce qu’on peut faire la même analyse du côté des victimes ? c’est-à-dire que est-ce qu’il y a des victimes types ? Moi, je constate qu’effectivement, dans mon quotidien la situation de déni est d’autant plus forte que les gens se font une image très négative des victimes qui sont dans un souvent identifiées comme des personnes faibles, qui aurait peut-être une part de responsabilité dans ce qu’il leur arrive, cela rend le statut de victime très dur à accepter. Est-ce que toi tu partageuse ce sentiment d’abord ? Et est-ce que t’as pu relever dans le comportement des victimes une manière d’être qui les exposent ?

SC – Alors, ma réponse est en deux temps, comme toi je constate qu’il y a vraiment un tabou à se reconnaitre comme victimes et puis c’est mon vécu aussi donc c’est très très dur à accepter et c’est d’autant plus dur à accepter si on sait ce que ce sont les victimes, parce que contrairement à cette a priori qui effectivement très partager « les victimes de harceleurs sont des faible ect » la réalité moi, de mon expérience et la réalité de la littérature montre que c’est exactement le contraire. Hirigoyen, par exemple nous dit bien que les personnes qui sont des victimes potentielles ce sont des personnes qui sont très compétentes voir trop compétentes, qui de ce fait prennent beaucoup de place car elles sont très investies, très engagées, et derrière c’est dur de les mettre en défaut. Les personnes qui sont victimes avérées la plupart du temps ce sont des gens qui ont une autonomie de pensée donc quelques parts, elle résiste au formatage, elles sont les personnes à abattre car elles sont atypiques, justement du fait de leur énorme talent et énormes qualités. A côté de ça il y a d’autres types de victimes qui ne sont par exemple des salariés protégés, des représentants du personnel, des seniors, femme enceintes peuvent être victime de harcèlement mais ça ce n’est pas une faiblesse que je sache, et puis après, on peut avoir des personnes qui sont victimes potentielles parce qu’elles sont moins performantes, ou qu’elles sont temporairement fragilisées par exemple, se sont souvent des personnes qui sont super investies, et c’est de cette énergie dont se nourrit le bourreau, puis elles finissent par fatiguer et le burnout n’est pas loin. Et le fait qu’elles ralentissent le rythme d’une certaine façon, le bourreau va leur reprocher donc, parce qu’il faut savoir que le bourreau choisit sa victime pour se remplir. Se remplir de l’équilibre de l’autre, se remplir de ses compétences, se remplir de sa façon penser, se remplir de son talent pour en faire profit pour lui-même. D’une certaine façon, si vous un jour vous êtes moins performant ou pas au top, et bien vous privez le bourreau de ce dont il avait l’habitude de se servir au quotidien.

MM – Et donc c’est dans ses hypothèses-là également que ces situations de harcèlement surviennent, c’est à dire quelqu’un qui serait extrêmement impliqué et qui pour une raison ou une autre se désengagerait.

SC – On a tous les moments où on est plus ou moins au top et du coup, ça peut être une cause du fait que l’on vous en veuille. Et si vous êtes avec quelqu’un qui est normalement constitué, bien équilibré, il vous dira ok je vous laisse respirer, au contraire si vous êtes avec quelqu’un qui n’est pas bienveillant, d’une certaine façon il va vous en vouloir et encore plus que vous menez la vie dure. Je voulais absolument faire passer ce message-là : les victimes de harcèlement moral dans l’imaginaire collectif sont des personnes faibles qui finalement ferait mieux de se taire parce qu’elles seront encore plus affligées si l’on vient à savoir quelles sont victimes de harcèlement. L’expérience et mes connaissances universitaires me permette de dire que c’est tout le contraire ! Oui elles sont faibles momentanément parce qu’elles subissent quelque chose qui terriblement difficile à vivre mais en fait, si elles en sont arrivées à ça, c’est justement parce qu’elles sont très compétentes, elles étaient très équilibrées et elles étaient avait une autonomie de pensée, ce qui n’est pas toujours le cas de tout le monde, et donc d’une certaine façon elles étaient trop brillant. Donc dans leur travail de reconstruction il faut qu’elles prennent conscience de ça, c’est justement parce qu’elles étaient des personnes riches au sens humain et au sens des compétences que finalement elles ont attiré l’attention et suscité la jalousie. Il ne faut jamais oublier que l’harceleur agit souvent par la jalousie et par la peur.

MM – Oui et alors on n’a pas tellement évoqué avec les sentiments qui sont à l’origine de ces pratiques de harcèlement, la jalousie, la rivalité c’est clairement ce que tu caractérises.

SC – Mon expérience m’a montré qu’il y a toujours une question de jalousie, d’envie, de rivalités, de peur et à ça on peut ajouter aussi l’inavouable. De par vos compétences, vous êtes très engagée et êtes au courant de pleins de choses. Parfois vous pouvez apercevoir des choses pas bien claires, pas très nettes, des actions contradictoires, des petits arrangements, des tricheries voir des dessous de table et dès lors que vous vous rendez compte de ce genre de choses, vous avez signé votre arrêt de mort professionnel, car cela peut devenir un motif pour que vous deveniez la cible.

MM – C’est vrai que souvent à l’origine de la sortie d’un salarié ou en tout cas de la mise en place de pratiques harcelantes destinées à obtenir son départ, il y a des pratiques inavouables dont il pourrait avoir connaissance sur son lieu de travail.

SC – Et ça on n’ose pas le dire ! Et c’est pour ça que c’est difficile de reconnaitre qu’en tant que manager on a laissé un harceleur prospérer, parce que non seulement il a détruit des personnes mais en même temps il a gangrainé toute la structure et en plus il a fait des choses qui parfois sont illégales et on l’a laissé faire.

MM – Une fois que tout ça est identifié, il ne suffit pas de couper tête de l’harceleur parce que parfois il a tellement inculqué son empreinte, sa marque que son ADN est plus dur à faire partir. Quand la situation est identifiée, les entreprises vont faire appel à DR RH and co face à une situation de souffrance au travail : Quelles sont les actions que tu vas proposer, mettre en œuvre et tes recommandations ?

SC – Alors déjà je ne peux pas intervenir sans avoir les fait mon propre diagnostic, c’est une première chose essentielle, il se trouve que je suis formé aux audits sociaux donc j’ai le souci d’être sûrs qu’on parle bien la même chose entre l’interlocuteur qui parle, et la réalité des faits. Parce qu’en clair c’est comme médecin, il a besoin d’ausculter pour prescrire, moi je suis obligée de faire un diagnostic pour être sûr que l’on parle bien de situation d’harcèlement seulement et pas d’autres types de dysfonctionnement managériaux et de savoir de quels bourreaux on parle et de quelles victimes on parle.

MM – J’aimerais bien que tu illustres avec un cas concret car j’ai bien compris dans ton article qu’il y a souvent confusion entre harcèlement morale et d’autre problèmes de management. Est-ce que tu peux nous donner un cas où ce n’était pas du harcèlement moral si possible et de quoi s’agissait-il ?

SC – Par exemple pour prendre le cas des commerciaux BtoB, quand on est face à des commerciaux BtoB, la subtilité c’est que ce sont des gens qui sont sur les cycles de vente qui peuvent durer de quelques mois à quelques années. Si on vend des produits qui sont des machines qui sont très chères en termes d’investissement, il est sûr que ces négociations ne se font pas seulement en un claquement doigt. Donc du coup le commercial ne va pas pouvoir justifier son activité tous les lundi matin à la réunion des commerciaux parce qu’il n’a rien concrètement à donner comme document signé avec un bon de commande a donné. Le directeur commercial dans ce cas-là va devoir se poser la question de savoir si les informations que me dit mon commercial sont exactes ou au contraire est ce qu’il est en train de me balader ? C’est là la subtilité. C’est pour ça que d’ailleurs on peut utiliser les nouvelles technologies et tout ce qui nous permet ces avancées de système d’information informatisés pour pouvoir mieux contrôler les activités des commerciaux. Bon ça c’est dans un cadre on va dire classique de management. Si le commercial, du jour au lendemain on lui a dit de rentrer tout tes contrôles d’activité quand il est chez le client et comme il est très facile d’avoir la géolocalisation de son téléphone, pour s’assurer qu’il fait son travail et qu’il n’est pas à la plage. Dans quelle mesure le commercial va comprendre que c’est du contrôle du résultat qui ne remet pas en cause son autonomie ? Et ça c’est un problème classique de management : qui dit plus de contrôle ne dit pas moins d’autonomie, c’est une erreur de penser ça. Donc dans quelle mesure dans quelle ce serait un contrôle excessif ? et dans quelle mesure cela devient-il du harcèlement ? Et c’est ça la subtilité si l’on demande un contrôle régulier à ses commerciaux BtoB qui par définition ne sont jamais au bureau. Il y a trois cas de figures : ça peut être du management, ça peut être demander avec insistance les comptes-rendus qui peut se traduire par une maladresse managériale qui peut être mal vécue et ça peut être du harcèlement. Il se trouve que la jurisprudence a déjà eu à statuer sur des cas de commerciaux qui ne faisaient plus suffisamment de résultats.

MM – Cela passe nécessairement par un diagnostic précis auquel tu vas te livrer mais ce que tu nous expliques aussi est que tout est une question de degré, ta première action concrète est de venir dans l’entreprise, et d’analyser tout le système en fait

SC – C’est exactement ça, c’est comme quand tu vas voir ton médecin généraliste en lui disant « docteur je pense que j’ai la grippe » et le médecin naturellement va te dire que ça peut être autre chose et pas nécessairement la grippe, c’est la même chose. Est-ce que je peux dire à partir d’un cas particulier, des commerciaux BtoB par exemple, que c’est du harcèlement où est-ce que c’est du management pur et dur en l’état je ne peux pas savoir. Par contre si je me réfère à d’autres symptômes auxquels les clients ne pensent pas spontanément parce que ce n’est pas leur spécialité c’est la mienne. Par exemple des commerciaux qui gagne extrêmement bien leur vie et qui jouissent d’un tas d’avantages et qu’ils préfèrent partir, admettons qu’il y est un turnover très important, il y aura quelque chose qui me fera penser que quelque chose ne va pas dans cette boîte. Il est peut-être question de harcèlement, une question de stress très important et comme je m’entretien avec les salariés, au bout d’une heure, j’arrive de savoir si la personne me présente une idée ou si c’est la réalité des choses. Mon travail c’est comprendre si on est en train de me mentir, de me manipuler ou au contraire de faire tomber le masque, et en croisant ces informations et les différents entretiens je me rends compte qu’il y a bien des symptômes défaillants mais ce n’est pas forcément du harcèlement.

MM – D’accord et alors du coup si on est dans cette configuration après un audit car c’est la première étape de ton intervention un de réaliser cet audit social, si jamais on arrive à la conclusion qu’effectivement, il y a des pratiques harcelantes, quelles sont les méthodes que tu vas recommander à l’employeur de suivre et puis à l’inverse, qu’est-ce qui serait à utile d’éviter de faire ?

SC – Déjà, une information. La loi est très claire en la matière, le tribunal dit de prendre des mesures après, en aval d’une situation de harcèlement. Donc il faut bien informer mais toutes les entreprises ne sont pas prêtes à se dire ouvertement malades.

MM – Alors concrètement une information mais de qui ? des managers ? de l’équipe dirigeante ? de tous les collaborateurs ?

SC – Alors, au départ c’est sûr qu’il faut informer déjà l’équipe dirigeante et les managers parce que en fait tout le monde n’a pas conscience que ce qu’il en est et il ne faut jamais oublier que les managers ne sont pas formés à ça. L’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (L’ANACT), organisme d’état, disait en 2017 que les managers en entreprise ne sont pas assez formés dans la formation initiale et dans la formation continue donc en la matière ce n’est pas leur faire offense de dire qu’ils n’ont pas été suffisamment informés et formés. En clair, premièrement il faut informer, ça peut être un séminaire, ça peut une conférence, il faut choisir avec les dirigeants du format qui correspondra le mieux avec la configuration de leur entreprise et puis pour ne pas gêner l’activité des membres de l’entreprise. L’objectif c’est que cette phase d’information serve à quelque chose !

MM – Et alors une fois que ces informations vont être dispensées aux acteurs concernés, on arrive à des actions concrète comme la séparation de la victime et de l’harceleur ?

SC – Alors, là est toute la subtilité ! Moi j’ai fait mon diagnostic donc j’ai quand même conscience du problème. L’entreprise si elle en est arrivée à faire appel à moi, c’est qu’elle a déjà monter un dossier en principe avec un avocat donc à ce moment-là on peut s’appuyer sur le dossier pour constituer celui de l’harceleur. Souvent, quand l’harceleur se rend compte qu’il est dans la ligne de mire, il a en tête que la meilleure défense c’est l’attaque ! Et quand on monte un dossier contre quelqu’un qui fait du harcèlement, il faut s’assurer d’être sûr de soi juridiquement parlant, et ça c’est le rôle de l’avocat et aussi il faut être sûr qu’il s’agit bien d’harcèlement et pas d’autres problèmes managériaux et c’est mais là que mon expertise est importante. L’harceleur s’il constate la moindre hésitation il va tout faire pour la tourner à son profit. J’ai écrit un article sur mon blog avec les grandes questions de type : qu’est-ce que je dois faire ? Alors, parmi les choses qu’il ne faut pas faire, j’en ai recensé à peu près 9. La première chose qu’il ne faut pas faire c’est de lancer une procédure pour le licenciement pour faute contre l’harceleur et puis prendre peur de ses menaces et finalement faire une négociation et rétropédaler. J’ai plusieurs entreprises à l’esprit qui ont préféré rétropédaler parce que l’harceleur appui là où ça fait mal, et cela pouvait modifier considérablement leurs pratiques de management (…)  Alors soit on préconise un départ en préretraite anticipée ou alors on fait une négociation et c’est terrible ! alors qu’on aurait pu faire directement un licenciement pour faute.

MM – Le renvoi face aux équipes est déplorable c’est ça que tu expliques.

SC – Ah oui ! Car la personne qui fait du harcèlement ne va pas se gêner pour dire « on voulait me faire tomber au final je repars avec un gros chèque » moralité, il pensera avoir eu raison d’agir comme il l’a fait pour obtenir son chèque. Et pire, des grands groupes, pour se débarrasser de l’harceleur, on le fait monter en hiérarchie et ça c’est très courant aussi. Mais concrètement comment est-ce interprété du point de vue des équipes qui ont souffert ? Donc finalement il va continuer à harceler, on a réussi à alerter la direction et la plupart du temps les directions ne veulent pas entendre ça donc là il y a une forme de déni, de stupeur et quand la direction se rend compte qu’il y a plusieurs cas elle peut plus le nier donc on cherche le coupable, quand elle ne trouve pas de coupable, elle finit par faire partir la victime. D’autre part, quand on trouve le bourreau on fait une première réunion de conciliation mais ça se traduit par une petite tape sur les doigts, souvent, la situation empire et l’entreprise aura des métastases encore plus importantes. On peut opter pour un départ à l’amiable mais c’est vraiment interprété comme étant très injuste et la récompense des comportements tordus. In ne faut pas s’étonner après qu’une victime devienne à son tour harceleur ! C’est normal car d’un point de vue purement rationnel : celui qui est le méchant est celui qu’on récompense et celui qui est la victime est celui qui a la double peine, et en plus, le plus souvent on se débrouille pour que la victime parte d’elle-même. C’est assez hypocrite et c’est une inversion des valeurs totale.

MM – On assiste souvent effectivement quand il y a une séparation dans l’équipe le temps que l’enquête a lieu, parce que souvent en tant qu’employeur on lance une enquête après la dénonciation de telles situations et souvent on se rends compte qu’en réalité, c’est la victime qui physiquement va être amenée à changer de bureau, à être isolée (…) effectivement il faut qu’il y est une séparation parce qu’au quotidien ce n’est pas forcément gérable mais on assiste quand même dans la plupart des cas que c’est la personne qui se plaint, comme tu le disait tout à l’heure c’est une double peine, car elle s’ouvre dans une formalisation dénonciation qui n’est pas agréable et ensuite, en plus elle se retrouve physiquement isolée du reste de son équipe parce que l’on procède à une séparation.

SC – Oui il peut y avoir même une triple peine pour cette victime ! Tu as raison, elle va se retrouver isolée, elle va devoir changer de bureau et pour peu qu’on ait changé sa mission elle va devoir repartir à zéro sur un nouveau métier, la plupart du temps c’est ça. Et donc du coup il ne faudra pas s’étonné qu’elle ne soit pas performante tout de suite et comme en plus elle a attiré l’attention, elle sera plus vulnérable. Cette personne sera alors encore plus victime, sera moins performante et cela justifiera qu’on se sépare d’elle.

MM – Ducoup on la licenciera pour insuffisance professionnelle typiquement ou pour un motif qui a priori n’a rien à voir mais c’est la suite logique de ces procédures en matière de mise mis à l’écart.

SC – Oui tu dois le voir aussi ! Des personnes qui étaient victimes et qui quelques années après ou quelques mois après finalement sont licenciées pour insuffisance.

MM – Et alors à titre individuel, dans le prolongement de tout ce dont nous avons parlé, qu’est-ce que tu pourrais conseiller un salarié qui te qui te solliciterait parce qu’il ferait face à un manager toxique ? Moi je sais qu’en tant qu’avocate je suis amenée à donner des conseils sur la constitution d’un dossier de harcèlement, qu’est-ce qu’on peut faire dans une telle configuration : contacter les élus, le médecin du travail, l’inspecteur du travail, rassembler des preuves mais toi quels sont les conseils que tu dispenses de ton côté sans lien avec une procédure judiciaire, vraiment centrée sur comment vivre au quotidien ou encore comment poursuivre tant la situation n’est pas réglée ?

SC – Alors moi je ne suis pas coach, je peux exercer l’accompagnement mais je ne peux pas être juge et partie d’un point de vue déontologique, du coup quand on me sollicite pour une question individuelle, je donne des conseils bien sûr mais ce que je leur dis c’est déjà ne jamais laisser seule dans son coin, ça c’est une évidence. Alors il n’y a pas forcément besoin d’être forcément accompagné par un coach mais simplement en parler à ses collègues pour s’assurer que l’on n’est pas à côté de la plaque et c’est ça le problème de la victime c’est déjà de se reconnaitre elle-même comme victime. Donc parlez-en ! Si on en parle ça va mettre la puce à l’oreille. Deuxième chose, pour aider à la prise de distance, je leurs conseille moi de tenir un journal bord, ce n’est pas un journal intime, mais un carnet réflectif et très factuel avec marqué : la date, les faits, les personnes concernées, les décisions et rendre ça le plus neutre possible.

MM – Tu fais ça avec un objectif de constitution de preuve dans le cadre d’un dossier prud’homal ou pas du tout ?

SC – Alors cela peut servir à la constitution d’un dossier prud’homal mais avant de faire ça, ça permet une prise de recul pour la personne qui est victime. On peut se rendre compte de la fréquence, des personnes, dans quel contexte et donc on peut avoir une démarche rationnelle et pas seulement émotionnelle. Après oui pour la constitution d’un dossier cela peut être utile mais l’objectif premier c’est pour l’individu, celui qui souffre.

MM – Pour le permet de prends du recule face à cette situation en fait.

SC – C’est ça et il n’y a pas trente-six façon d’en parler. Il faut 1 : Oser en parler, 2 : Rationnaliser et distinguer ses émotions de sa raison. 3 : Entretenir un journal factuel permettra de se rendre compte dans quelles circonstances les situations de harcèlement se passe avec quelles personnes ect. Et il faut quand même avoir conscience que l’harceleur, quand il est avec un ensemble de personnes il est charmant, séducteur et donne bonne impression. Le risque souvent est alors de dire ce que l’on a sur le cœur et que les émotions prennent le dessus, à une tierce personne qui ne va pas vous croire ou ne va pas penser qu’il s’agit d’harcèlement. Et pour se protéger ou parce qu’elle a d’autre choses à faire que d’écouter votre état émotif, elle va se fermer à la discussion. Tandis que si la victime présente des faits factuels, notés au fur et à mesure, la prise de conscience n’est pas la même.

MM – Donc toi tu dis que d’abord il faut en parler, ne pas rester isolé, et ne pas hésiter à s’ouvrir à des collègues de travail en qui vous avez confiance, car c’est toujours bon d’avoir le regard d’une personne extérieure non impliquée dans la situation. Deuxièmement le carnet réflectif, c’est-à-dire rationaliser les faits avec l’écrit de manière à garder des traces et des éléments factuels.

SC – Et puis après on peut aller voir le responsable au-dessus du bourreau et de la victime car il faut savoir que le bourreau ce n’est pas forcément son supérieur hiérarchique ! J’ai un cas en tête ou le manager était victime de ses collaborateurs. Donc on peut être victime de n’importe qui dans la hiérarchie. Il faut aller voir un supérieur, le médecin du travail, les représentants du personnel, le CSE car seul on est désarmé !

MM – Et bien merci beaucoup pour ces recommandations pratiques, parce que j’espère que ça aidera de manière concrète les entreprises qui font face à ce type de situations, que cela aide les salariés qui vivent des situations de harcèlement moral, à faire face et de trouver des armes pour prendre du recul et affronter la situation. Je te remercie Stéphanie pour avoir pris le temps d’échanger avec moi de tout ça.

SC – C’est moi qui te remercie car tu as le souci de l’individu, et tu as raison c’est vraiment destructeur et difficile de s’en sortir, tu as également le souci aussi de de l’entreprise et tu ne restes pas que sur le cas de l’individu et donc ton podcast permet de de sensibiliser différentes populations que ce soit des managers, DRH ou autre responsable des ressources humaines. Cette démarche n’est pas partagée par tous les avocats donc je te remercie sincèrement et puis à côté de ça tu as la volonté d’apporter ta contribution avec ces podcasts qui sont accessibles, très intéressants et gratuits, il n’y a pas de démarche commerciale mais une démarche vraiment bienveillante ! Donc un grand merci pour ton accueil, ta disponibilité et ton écoute.

MM – Merci à toi, je mettrais évidemment les coordonnées de ton site internet et de ton blog dans les notes de l’épisode pour que tous les auditeurs puissent retrouver tes travaux qui sont extrêmement intéressants et qui aideront à faire face à des situations de harcèlement moral notamment. Merci et à bientôt !

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