Les forfaits jours – Tout savoir sur ce dispositif – Droit Devant #11

Les forfaits jours qu’est ce que c’est ?

Une modalité d’organisation du temps de travail, certes, mais aussi un dispositif qui alimente largement les contentieux prud’homaux.

Pourquoi ? On vous dit tout dans le nouvel épisode de DROIT DEVANT !

  • Vous êtes employeur et vous vous demandez si le recours à ce mode d’organisation du temps de travail présente un intérêt ?

Vous vous interrogez sur ses avantages, ses inconvénients et les risques qu’il présente ?

  • Vous êtes salarié en forfait jours et soumis à une lourde charge de travail ?

Cette organisation vous conduit à travailler selon un rythme effréné, sans perspective que la situation ne s’améliore ? Vous ne savez pas comment réagir ?

La réponse est dans le dernier épisode du podcast !

Très bonne écoute !

Vous pouvez m’adresser des suggestions de thèmes que vous souhaiteriez voir aborder dans le podcast en m’écrivant : m.meolans@victoire-avocats.eu

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Retranscription du podcast :

Aujourd’hui, je reprends le micro dans un épisode en solo, pour parler des forfaits jours et plus particulièrement des forfaits jours dont bénéficient les cadres. En 2015, ils étaient plus d’un million et demi à être soumis à cette modalité d’organisation du temps de travail. Alors, en quoi consiste ce dispositif ? Quels sont les avantages et les inconvénients ? Quels sont les risques ? Voici les questions auxquelles nous allons répondre dans cet épisode.

Le forfait jours d’abord, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit d’une modalité d’organisation du temps de travail. C’est un dispositif qui est synonyme de grande liberté puisqu’il est le plus souvent proposé aux cadres qui jouissent de certaines responsabilités et qui vont être libres d’organiser leur temps de travail comme ils le souhaitent. L’objectif du forfait jours, c’est de faire travailler un salarié au-delà des classiques 35 heures par semaine, sans avoir à lui rémunérer des heures supplémentaires, mais en lui accordant des jours de repos en contrepartie qui sont souvent appelés des jours RTT.

Donc, on ne compte pas la durée du travail en heures, mais en journées ou en demi-journées. Concrètement, on part le plus souvent sur 218 jours de travail par an, avec des aménagements parfois. Et au-delà de 218 jours, le salarié va bénéficier de congés payés ou de RTT.

Donc, finalement, peu importe le temps de travail hebdomadaire, puisque la rémunération est décorrélée du temps de travail réel, on compte le nombre de jours de travail par an. C’est un dispositif qui semble offrir beaucoup de souplesse aux employeurs dans la gestion de leur personnel. Mais c’est aussi un dispositif qui alimente largement les contentieux prud’homaux ces dernières années.

Alors pourquoi le sujet des forfait jours est-il un sujet sensible ?

Il y a plusieurs années, la Cour de cassation a été amenée à se pencher sur cette modalité d’organisation du temps de travail et a relevé que sous couvert de donner de l’autonomie aux cadres, et bien en fait, les entreprises, parfois, les faisaient travailler sans contrôler leur charge de travail. Donc, on se retrouvait avec des salariés qui pouvaient travailler jusqu’à 60 ou 70 heures par semaine, sans aucun contrôle, sans aucune visibilité de la part de l’entreprise. Face à ces dérives, la Cour de cassation, puis le législateur sont intervenus pour poser un cadre et des règles strictes.

Lorsque ces règles ne sont pas respectées, les forfaits jours proposés ne sont pas valables. La conséquence, c’est la nullité de la convention de forfait. En termes de conséquences financières, cela signifie que si le forfait jours est nul, on en revient au classique décompte de la durée du travail de 35 heures par semaine. Autrement dit, quand le juge va considérer que le forfait est nul, il va se mettre à reconstituer et à recompter toutes les heures travaillées au-delà de 35 heures. Par exemple, pour un cadre qui travaille 55 heures par semaine, toutes les heures réalisées au-delà de 35 heures vont être payées au taux majoré, comme des heures supplémentaires, avec une majoration qui va varier en général entre 25 et 50%.

Et il faut savoir que la prescription des heures supplémentaires en France est une prescription que l’on qualifie de triennale, c’est à dire d’une durée de trois ans. Donc, les calculs qui vont être présentés aux juges vont permettre de remonter sur les trois dernières années de la collaboration. C’est l’objet précisément de nombreuses actions judiciaires devant le conseil de prudhommes, avec des montants qui chiffrent rapidement, puisqu’on voit que la temporalité sur laquelle peut porter l’action (la durée triennale) va avoir pour effet de générer des montants de rappels de salaires très élevés.

Ce type de condamnation sur la nullité du forfait jours peut aussi être assorti de condamnation au titre d’une indemnité de six mois de salaire pour travail dissimulé. Donc, le risque judiciaire existe et il est bien réel. Il est vrai que tant que la collaboration se passe bien, on n’a pas tellement de problème. Mais le jour où la situation se dégrade, bien souvent, les salariés se mettent à contester cette modalité d’organisation du temps de travail qui peut ne pas être sécurisée.

Qu’est-ce que l’on conseille à un employeur pour éviter un tel risque ? Il faut avant tout sécuriser sa convention de forfait jours. C’est-à-dire en premier lieu, s’assurer que ce dispositif est véritablement proposé à des cadres qui bénéficient d’une autonomie et qui sont décisionnaires dans leur organisation du travail.

Nous avons conseillé il y a quelques années, une entreprise qui demandait systématiquement à ses salariés de se présenter à leur poste de travail le matin à 9h au plus tard, et de ne pas quitter les bureaux de la société avant 19h le soir. Ce type de consignes suffit à montrer que le salarié n’est pas libre et autonome dans la gestion de son temps de travail et peut conduire à faire tomber le forfait jours. De façon générale, il faut savoir que l’application du forfait jours est incompatible avec l’obligation qui serait faite à un collaborateur de respecter un planning. C’est la première règle.

Il va falloir également s’appuyer sur un texte qui va permettre le recours au forfait jours. Cela peut être un accord d’entreprise ou une convention collective.

Et là, pour ne rien simplifier, il faut savoir que la Cour de cassation a considéré que certaines conventions collectives prévoient le recours à un dispositif de forfait jours, mais avec des règles qui sont insuffisantes et qui peuvent conduire à l’invalidité de la convention de forfait. Par exemple, la convention collective des industries chimiques, du commerce de gros, du notariat. Il faut donc bien se renseigner sur la validité ou non des dispositions conventionnelles. Si vous relevez d’une convention collective dont le dispositif n’est pas valide, il faudra alors s’appuyer sur un accord d’entreprise pour régulariser la situation. Cela signifie rédiger un accord en interne qui va poser un cadre juridique sûr.

Et puis, il faut également s’assurer du consentement du salarié à cette convention de forfait, c’est à dire qu’il va falloir prévoir le recours au forfait jours dans son contrat de travail ou dans un avenant qui va pouvoir intervenir postérieurement, si le passage au forfait jours a lieu après l’embauche. Mais en tout état de cause, il va falloir acter le consentement du salarié dans un document contractuel.

Dans un dossier, nous avons fait face à un employeur qui indiquait qu’en réalité, il mentionnait le recours au forfait jours sur le bulletin de paie et que cette mention était suffisante pour régulariser la convention de forfait. Clairement, elle ne l’est pas et la jurisprudence est constante. Elle rappelle régulièrement que la convention de forfait est nulle dès lors que la mention résulte seulement du bulletin de paie. Il faut véritablement un avenant ou un contrat travail dans lequel le recours au forfait jours est prévu. Ensuite, il faut savoir que ces premières règles ne suffisent pas à ce que la convention de forfait soit valable.

Pourquoi ? Parce qu’il faut avoir à l’esprit que concrètement, ce n’est pas parce que la durée du travail est décomptée en jours que l’on peut faire travailler les salariés sans limite, et il va véritablement falloir s’assurer de la charge de travail de ses collaborateurs.

Cela peut passer par l’établissement d’un document de suivi de contrôle, par exemple, que l’employeur va établir et transmettre aux salariés sous la forme d’un tableau. Et dans ce tableau, chaque salarié va devoir indiquer les jours durant lesquels il a travaillé chaque mois, les jours de congés qu’il a pu poser, les jours de RTT qu’il a pu prendre, que ce soit par journée entière ou par demi-journée. Mais en tout état de cause, on va établir ce document de suivi, qu’on va demander aux salariés de remplir. Et chaque salarié va devoir le remplir, par exemple avec une fréquence mensuelle. Ça ne remet pas en cause l’autonomie des salariés en forfait jours, mais ça permet à l’employeur d’avoir de la visibilité sur la charge de travail de ses collaborateurs. C’est un document de suivi qu’il est très fortement recommandé de mettre en place au sein de l’entreprise.

Deuxième chose, l’employeur va devoir organiser régulièrement des entretiens avec le salarié et à l’occasion de ces entretiens, il va devoir évoquer l’organisation du travail pour savoir si elle convient au salarié. Et puis, de manière plus structurelle, l’interroger pour savoir si sa charge de travail est compatible avec l’organisation de sa vie personnelle. C’est une question qu’il faut poser à ses collaborateurs. Dans les faits, on conseille de tenir a minima deux entretiens annuels sur la charge de travail et par souci de simplification, on recommande à nos clients de caler l’un de ces entretiens lors de l’entretien annuel d’évaluation du collaborateur.

Et enfin, dernière chose, l’employeur doit garantir le droit à la déconnexion de ses collaborateurs. En général, pour s’assurer du respect de ce droit, il convient de rédiger une charte sur la déconnexion au sein des entreprises.

Le droit à la déconnexion ? Qu’est-ce que c’est ? C’est en fait le droit pour le salarié de ne pas être connecté aux outils numériques professionnels sans relâche. Le salarié ne doit pas être connecté à ses outils numériques pour un motif professionnel en dehors de son temps de travail habituel. On sait tous que le mal du 21ème siècle, c’est l’hyper connexion. Véritablement, l’employeur doit avoir à cœur d’éviter que ses salariés ne se connectent le week-end, le soir ou pendant les vacances.

Cela signifie que l’employeur va pouvoir décliner dans cette charte de la déconnexion tout un tas de mesures concrètes pour éviter l’hyper connexion. Cela peut consister à demander à ses salariés, à côté de l’objet du message, de préciser le degré d’urgence. Cela peut être de faire préciser dans la signature électronique du mail que ce mail n’appelle pas nécessairement de réponse immédiate notamment pour les messages que l’on peut envoyer la nuit pour ceux qui travaillent, par exemple à l’étranger avec le décalage horaire. Cela peut être aussi la mise en place d’un paramétrage durant les vacances des collaborateurs. Mettre en place des messages d’absence et des renvois vers d’autres interlocuteurs pendant les congés ou les jours de repos des uns et des autres.

Donc, toutes ces règles sont à décliner et à mettre en place au sein de l’entreprise pour sécuriser ses forfaits jours. Tout cela repose sur le principe selon lequel l’employeur est responsable de la santé des salariés de son entreprise et que c’est à lui de veiller à ce que la charge de travail soit compatible avec la vie personnelle de chacun.

Voici pour les conseils qui sont à décliner, à mettre en place au sein de l’entreprise pour s’assurer de la validité de la convention de forfait jours.

Que faire maintenant face à un salarié en souffrance qui n’arrive plus à assumer un rythme de travail trop lourd ? Le premier conseil que l’on peut donner à un salarié qui n’arrive plus à gérer le rythme de travail qu’on lui a imposé, serait dans un premier temps, d’alerter sa hiérarchie, d’expliquer que le rythme de travail est trop élevé parce que par exemple, le nombre de collaborateurs est insuffisant dans son service ou en expliquant et en motivant les circonstances qui amènent à formaliser cette alerte. Donc, écrire à sa hiérarchie ou l’en informer verbalement pour expliquer la souffrance liée à ce rythme de travail trop élevé.

Et puis, si la situation ne change pas, il faudra alors conserver les justificatifs de ce rythme de travail anormal, c’est à dire compiler des éléments qui montrent le rythme effréné auquel le salarié est soumis. Cela signifie par exemple compiler les mails que l’on va envoyer, le premier mail que l’on envoie le matin, le dernier mail que l’on envoie le soir pour montrer, une amplitude horaire anormale. Ce peut être l’envoi de mails réalisé entre midi et deux heures, durant une pause déjeuner que l’on ne prend pas.

Je me souviens qu’il y a quelques années, une salariée m’avait transmis tous les relevés Autolib qu’elle avait compilés. Le matin, elle se rendait sur son lieu de travail en Autolib et le soir, elle rentrait de la même manière. Donc, nous avions pu exploiter ses relevés Autolib. Mais cela peut être également des justificatifs de livraison de repas par un traiteur sur votre lieu de travail si vous prenez tous vos repas sur votre lieu de travail, sans avoir la possibilité de prendre de pauses.

Un autre de nos clients qui travaillait sur les marchés financiers mangeait tous les midis sur son desk. Dans son cas, on avait pu retracer son temps de travail avec l’exploitation des tickets de livraison qui étaient fournis par le restaurant qui lui livrait ses repas. Plus largement, et je pense qu’il faudra que je réalise un podcast sur le sujet, tous les éléments probatoires et les éléments de preuves qui sont reçus dans le procès prud’homal. Ainsi, tous les modes de preuves peuvent être exploités pour retracer l’amplitude horaire et la charge de travail.

Merci de votre écoute et à bientôt !

 

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