Louer ses locaux à sa SCI : gare à la confusion de patrimoines !

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Aujourd’hui je vous parle de l’importance de payer votre bailleur même s’il s’agit de votre propre société civile immobilière (SCI) et que votre entreprise est en difficulté financière.

Louer ses locaux professionnels à sa propre SCI ?

J’ai pu constater que de nombreux clients, souvent restaurateurs, achètent les murs du local que leur société de restauration exploite, par le biais d’une SCI qui facture des loyers à la société d’exploitation.

Cette pratique a l’avantage de permettre d’acquérir un patrimoine immobilier à titre personnel, par le biais de sa qualité d’associé de la SCI, en faisant peser le loyer, qui se substitue souvent au montant du prêt souscrit par la SCI, à la société d’exploitation.

Plus concrètement le restaurateur se paye un loyer à lui-même et acquiert la propriété du local en bonus !

 

Deux sociétés (exploitation, SCI) à bien gérer séparément…

Ce montage ne souffre en principe d’aucun inconvénient particulier à la condition que la gestion soit faite dans les règles de l’art !

En effet, il est primordial qu’il n’y ait aucune confusion de patrimoine entre la SCI et la société d’exploitation de ce qui suppose :

  • deux comptabilités distinctes et différentes
  • des flux financiers, entre les deux sociétés, normaux
  • la justification de l’ensemble des flux financiers entre les deux sociétés
  • l’origine et la destination de chaque flux financier.

Afin d’éviter une éventuelle qualification de « flux financiers anormaux », qui justifierait à elle-seule la confusion des patrimoines, vous devez vous assurer que :

– la société d’exploitation paye régulièrement son loyer
Régulièrement, c’est à dire tous les mois, comme si le bailleur était un tiers. Un retard dans le paiement du loyer sera considéré comme « anormal » à partir de 2 mois d’échéances impayées. En cas d’impayé, il est même recommandé aux bailleurs d’agir dès le premier mois de loyer manquant à l’appel pour éviter une dette encore plus importante.

– ce loyer ne soit pas surestimé
Afin d’apprécier si le montant du loyer n’est pas surestimé au détriment de la SCI, il ne suffit pas que le loyer soit équivalent au remboursement de l’emprunt immobilier contracté pour acquérir le bien : il faut que le loyer corresponde à celui d’un local professionnel équivalent dans la zone où il est situé. Pensez donc, au moment où vous fixez ce loyer à conserver des preuves de ce prix de marché.

– Seules les charges liées au bien immobilier lui incombent. la SCI ne peut en aucun cas assurer, même de façon ponctuelle, le paiement d’une facture d’un fournisseur de la société d’exploitation.

 

… même en cas de difficultés financières de votre exploitation

Si votre restaurant connaît des difficultés financières vous pourriez, par simplicité, être tenté de ne plus payer de loyer à votre SCI afin de vous dégager de la trésorerie pour le règlement des autres créanciers.

Ce raisonnement, que l’on comprend aisément d’un point de vue financier – seule la SCI, donc vous-même en qualité d’associé, subissant un préjudice – n’est pas admis d’un point de vue juridique.

Et les conséquences financières peuvent être très lourdes, comme l’a jugé la Cour d’Appel de Paris dans un arrêt du 8 novembre 2018 récemment publié.

 

La jurisprudence qui fait payer à la SCI les dettes de l’exploitation

 

Dans cette affaire, une SCI, détenue par les associés, était propriétaire des locaux où était exercée l’activité de la SARL d’exploitation.

La SARL d’exploitation ayant connu des difficultés financières, est placée en redressement puis en liquidation judiciaire. Comme souvent, les actifs de la société d’exploitation liquidée étaient insuffisants pour couvrir les dettes des créanciers chirographaires (qui ne disposent pas d’un privilège spécial, tels les impôts ou l’URSSAF par exemple).

Un de ces créanciers, nommé contrôleur de la procédure, a alors demandé auprès du tribunal de commerce l’extension de la procédure de liquidation à la SCI afin d’y intégrer le patrimoine immobilier de la société civile immobilière pour augmenter l’assiette des créanciers.

La dette locative était très importante et cela a suffi à la Cour d’Appel pour caractériser la notion de « flux financiers anormaux » justifiant une confusion des patrimoines entre la SCI et la SARL ce qui a permis une extension de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL à la SCI.

Le bien immobilier de la SCI a donc servi à payer les créances de la SARL dans le cadre de la liquidation judiciaire…

Mon conseil

En conclusion, je vous recommande si vous souhaitez optimiser au maximum l’accession à la propriété par le modèle d’une SCI et d’une société d’exploitation, d’appliquer strictement les règles de gestion séparée évoquées précédemment … afin d’éviter de tout perdre, votre société et votre bien immobilier, en cas de difficultés financières !

Je suis naturellement à votre disposition pour approfondir le sujet, appliqué à votre cas pratique.

 

Sara MONROIG,
Avocate Associée

 

Référence

(Cour d’appel de Paris, pôle 5, Chambre 9, 8 novembre 2018, RG n° 17/15587 : JurisData le 29 mai 2019 n° 2018-019523).

 

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