11 Questions sur la rémunération variable

La rémunération variable en 11 questions


Utilisée comme levier pour motiver les salariés, la rémunération variable est aujourd’hui très répandue en France et concerne 52% des cadres, selon une récente étude de la Dares. En quoi consiste la rémunération variable ? Comment son montant est-il déterminé par l’entreprise ? Sur quoi repose-t-elle ? Est-elle due par l’employeur lorsque le salarié quitte son poste en cours d’exercice ?

Cet article vous concerne :

Si vous êtes employeur, vous connaîtrez les modalités de fixation des objectifs de vos salariés, en veillant notamment à ce que ces objectifs soient réalistes et réalisables.

Si vous êtes salarié(e), vous saurez tout sur les modalités de fixation et de versement de la rémunération variable et sur la manière de contester son absence de versement.

Le contexte

La rémunération variable est une rémunération qui va s’ajouter au salaire fixe versé au salarié. Elle est souvent utilisée comme levier pour motiver les salariés à s’investir dans leur poste et pour s’assurer du bon accomplissement des missions qui leur sont confiées.

La mise en œuvre de la rémunération variable se généralise ces derniers temps et s’inscrit aujourd’hui dans le cadre de politiques attractives déployées par les entreprises en matière de rémunération.

1. La rémunération variable ne concerne-t-elle que les commerciaux ?

Au départ, les rémunérations variables étaient plutôt utilisées pour rémunérer les commerciaux en fonction de l’atteinte d’objectifs de ventes.

Mais désormais, elle est très répandue chez tous les salariés, et notamment chez les cadres.

Selon une récente étude de la Dares, 52 % des cadres bénéficient aujourd’hui d’un dispositif de rémunération variable.

Et toujours selon cette même étude, la part variable de la rémunération représente en moyenne plus de 20 % de la rémunération brute totale. Cela peut même aller jusqu’à 40 % chez les cadres dirigeants.

Voici les statistiques des populations concernées par un dispositif de rémunération variable directe (primes, bonus, commissions) :

  • Direction générale : 95%
  • Direction commerciale : 96%
  • Direction production : 76%
  • Direction marketing et communication : 71%
  • Direction logistique, achats : 55%
  • Direction ressources humaines : 61%
  • Direction gestion, finance, fiscalité, juridique : 62%
  • Direction informatique : 63%
  • Direction recherche : 45%
  • Autre(s) direction(s) : 49%
La rémunération variable par fonction ou métier
Source infographie : People base CBM (2021)

 

2. La rémunération variable, qu’est-ce que c’est ?

 

La rémunération variable est une rémunération qui s’ajoute au salaire fixe versé aux salariés, calculée en fonction des objectifs qui leur sont fixés en amont :

  • que ce soient des objectifs quantitatifs, c’est à dire des objectifs qui vont dépendre du chiffre d’affaires réalisé ou du nombre de ventes effectuées,
  • ou des objectifs qualitatifs, relatifs à l’attitude du salarié ou à son état d’esprit.

 

3. Comment distinguer la rémunération variable du bonus ou des primes ?

La rémunération variable doit être distinguée des bonus ou des primes qui sont versés de façon totalement discrétionnaire par l’employeur. Les bonus et les primes discrétionnaires sont parfois prévus par le contrat de travail, souvent au moyen d’une clause selon laquelle il est indiqué que le versement et le calcul du bonus discrétionnaire sont laissés à la libre appréciation de l’employeur1 .

Le sujet de la rémunération variable est à l’origine d’un très grand nombre de contentieux et fait régulièrement l’objet de précisions de la part des juges.

L’un des sujets récurrents de ce contentieux porte précisément sur la distinction entre bonus et rémunération variable.

Pour se soustraire à son paiement, certains employeurs tenteront de faire qualifier les sommes versées de bonus. Cela leur permettra de soutenir que le salarié n’a pas de droit acquis au paiement de ce bonus qui ne repose que sur une libre appréciation de sa part et dont le versement peut donc s’interrompre du jour au lendemain.

A l’inverse, les salariés auront de leur côté intérêt à démontrer la régularité des versements et des modalités de calcul pour caractériser une récurrence et rendre son versement obligatoire pour l’employeur.

Attention toutefois car la Cour de cassation a déjà jugé que le bonus versé pendant 12 ans à un salarié, selon des critères définis par l’employeur, était en réalité une rémunération variable dont les parties avaient contractualisé le versement2. Ainsi, la qualification de “bonus” utilisée par l’employeur ne suffit pas à se prémunir de toute difficulté.

 

Ecouter l’épisode du podcast Droit Devant #32 consacré à la rémunération variable :

4. Comment le montant de la rémunération variable ou de la prime d’objectif est-il déterminé par l’entreprise ?

Les objectifs sur lesquels repose la rémunération variable peuvent être définis de manière parfaitement unilatérale par l’employeur, c’est à dire de sa propre initiative et selon les règles qu’il aura lui-même dégagées.

Les objectifs peuvent aussi être définis de façon conjointe avec le salarié, même si cette situation est dans les faits bien plus rare.

Mais si le contrat de travail prévoit que l’employeur doit consulter le salarié pour fixer les objectifs définis d’un commun accord, celui-ci ne pourra pas s’en exonérer. A défaut, il sera condamné au versement intégral de la rémunération variable3 . Ainsi, si une fixation conjointe est prévue, l’employeur ne pourra pas s’en affranchir.

La rémunération variable doit aussi être fondée sur des éléments objectifs et qui sont indépendants de la volonté de l’employeur. Il ne doit donc pas y avoir d’arbitraire dans la fixation de ces objectifs 4.

Par exemple, sont des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur le montant du chiffre d’affaires mensuel de l’entreprise, le nombre de clients à atteindre ou à prospecter, la fixation d’une tâche précise à réaliser : par exemple écrire un code, rédiger des process ou un nombre déterminé de publications sur les réseaux sociaux de l’entreprise …

 

5. Quand les objectifs doivent-ils être fixés et communiqués au salarié ?

Il est essentiel de garder en tête que les objectifs et leurs modalités de calcul doivent être portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. Ainsi, même si l’accord du salarié n’est pas requis pour fixer les objectifs, l’employeur doit néanmoins les porter à sa connaissance et se ménager la preuve de cette transmission.

L’employeur ne pourra pas non plus, au milieu d’un exercice, fixer des objectifs différents de ceux qui étaient prévus au début de l’exercice5.  Ainsi, l’employeur ne va pas pouvoir déterminer des objectifs en juin, alors même que l’exercice a commencé en janvier. En effet, la fixation d’objectifs en cours d’année n’est pas opposable aux salariés.

Ainsi, si vous ne donnez pas connaissance de ses objectifs à votre salarié en début d’exercice, vous ne pourrez pas ensuite lui reprocher de ne pas les avoir atteints. Vous vous exposez même à ce que le salarié dont les objectifs ont été fixés tardivement sollicite l’intégralité de sa rémunération variable6.

 

6. Comment éviter de divulguer des informations sensibles servant au calcul des rémunérations variables ?

Voici un cas pratique pour illustrer comment contourner cette difficulté.

Au cabinet, l’une de nos clientes, une entreprise, était extrêmement réticente à l’idée de communiquer à ses salariés les éléments qui permettaient de calculer le montant de leur prime variable.

La communication de ces éléments contraignait la société à dévoiler un certain nombre d’informations stratégiques et sensibles, et notamment les chiffres qui étaient utiles au calcul mais qui étaient pour des raisons de confidentialité et de secret des affaires, des chiffres qui n’étaient pas censés être divulgués de cette manière.

Face à l’insistance des salariés à obtenir la communication de ces chiffres, nous sommes finalement parvenus à initier un dialogue et à revoir la politique de rémunération variable.

Nous avons alors remis à plat le calcul et les données chiffrées de la rémunération variable, de sorte que l’employeur, à l’avenir, ne soit plus embarrassé par la production de données sensibles, désormais non indispensables aux nouvelles modalités de calcul des objectifs.

Par la voie d’avenants aux contrats de travail des salariés concernés, nous avons réajusté la politique de rémunération variable qui nous contraignait avant cela, à divulguer des données confidentielles.

 

Fixer les objectifs réalistes et réalisables de la rémunération variable

7. Qu’est-ce que des objectifs “réalistes et réalisables” ?

Un autre point concernant la rémunération variable réside dans le fait que les objectifs doivent nécessairement être réalistes et réalisables.

Cela signifie que les objectifs doivent être raisonnables, qu’ils doivent être compatibles avec le marché et qu’ils ne doivent pas être trop ambitieux.

Et c’est à l’employeur, comme l’a récemment jugé la chambre sociale de la Cour de cassation d’apporter la preuve que les objectifs fixés étaient réalisables par son salarié, compte tenu de l’économie du marché et de la situation du secteur7.

Sans cela, si l’employeur n’est pas à même de se livrer à cette démonstration, il ne peut pas être reproché aux salariés de ne pas avoir atteints leurs objectifs. C’est la totalité du montant maximal de la rémunération variable qui leur sera due dans ce cas.

 

8. Comment l’employeur peut-il démontrer que les objectifs fixés sont “réalistes et réalisables” ?

La plupart du temps, la preuve du caractère réalisable des objectifs fixés sera rapportée par référence aux performances des homologues.

Il faudra démontrer, par exemple, que les objectifs qui sont confiés à un salarié, sont les mêmes pour tous les autres membres de l’équipe et que les autres membres de l’équipe parviennent à les atteindre, ce qui est une démonstration prouvant bien le caractère atteignable des objectifs.

Nouveau cas pratique en illustration

Dans un dossier que nous avons eu à traiter récemment au cabinet, nous étions le conseil d’un salarié. Le salarié se plaignait du fait que l’employeur n’avait pas fixé ses objectifs en début d’exercice et qu’il avait finalement repris les objectifs qui avaient été fournis sur une année antérieure, tout en les modifiant en cours d’année.

L’argument de l’employeur consistait à reconnaître la modification en cours d’exercice tout en soutenant que la nouvelle formule de calcul retenue était finalement plus favorable aux intérêts du salarié.

Cet argument n’a pas été retenu par les juges. En effet, la jurisprudence, de façon assez constante, considère que l’employeur ne peut pas unilatéralement, en cours d’exercice, modifier les règles qui régissent la rémunération variable du salarié et ce même si cela est plus avantageux pour le salarié5.

 

9. Comment savoir si la rémunération variable est due au salarié ?

Généralement, les performances du salariés sont évaluées au cours d’un entretien annuel d’évaluation.

L’employeur va évaluer à cette occasion l’atteinte des objectifs qui peut être totale ou partielle et fixer les objectifs pour le nouvel exercice. Et c’est à ce moment-là, le plus souvent, que le salarié et l’employeur échangent sur les objectifs qui ont été atteints par le passé et qui devront être atteints sur le prochain exercice.

Il est important de conserver une trace de ces échanges et de leur contenu par la formalisation d’un compte rendu d’entretien signé des deux parties.

 

10. La prime d’objectifs est-elle due au salarié qui quitte la société en cours d’exercice ?

Poru déterminer si la prime d’objectifs est due au salarié en patace , cela dépend du moment où le salarié quitte la société :

Si le salarié réalise l’exercice complet

Si le salarié réalise l’exercice complet, en admettant que l’exercice court du 1er janvier au 31 décembre N, la prime sur objectifs devra être versée pour tout départ ayant lieu à compter du 1er janvier N+1.

La jurisprudence précise d’ailleurs que l’on ne peut pas conditionner le versement de la prime à une condition de présence postérieure à la période pour laquelle les objectifs ont été réalisés, et ce même si la condition de présence figure dans le contrat de travail8.

Le droit à rémunération, qui a été acquis au cours d’une période intégralement travaillée, ne peut donc pas être soumis à une condition de présence à une date postérieure de versement. C’est une position qui est assez unanime de la part de la chambre sociale.

Si le salarié quitte l’entreprise en cours d’exercice

Si le salarié quitte l’entreprise en cours d’exercice (par ex : prenons un exercice du 1er janvier jusqu’au 31 décembre 2022, le salarié quittant les effectifs fin juin 2022), la prime annuelle lui sera due au prorata du temps de présence passé dans l’entreprise(soit 50% au prorata, dans notre exemple).

Et si une dispense d’activité durant le préavis résulte d’une décision de l’employeur, ce dernier devra verser au salarié la rémunération variable due pendant la période10.

Attention néanmoins à ne pas confondre la rémunération variable, dont le versement est conditionné à l’atteinte d’objectifs, et le bonus, qui lui, est discrétionnaire et qui va être versé par l’employeur à sa libre appréciation. Pour les bonus discrétionnaires, le versement pourra lui être conditionné à une condition de présence dans l’entreprise.

 

11. Comment contester l’absence de versement de sa rémunération variable ?

Demander des explications

La première chose à faire pour un salarié consiste à demander à l’employeur des explications sur l’absence de versement ou le détail du calcul si l’on conteste le calcul retenu. Il est préférable d’effectuer cette demande de précisions par courrier recommandé avec accusé de réception.

Rassembler des preuves

A ce stade, il faut rassembler les preuves qui visent à établir que vous avez atteint vos objectifs et que la prime ou la rémunération variable vous est due.

La constitution des preuves est délicate dès lors que vous quittez l’entreprise,  puisqu’a priori vous n’aurez plus accès à vos emails professionnels ni à tous les documents qui pourraient servir votre dossier.

L’idéal consiste donc à effectuer ces recherches avant le départ de l’entreprise.

Saisir les Prud’hommes

Et si les explications fournies ne sont pas convaincantes, il sera possible de saisir le juge prud’homal pour demander le versement de la rémunération variable.

Eventuellement cette demande pourra être faite devant le juge du référé, juge de l’urgence et de l’évidence, dès lors que la rémunération variable est figée dans le contrat de travail et que vous disposez d’éléments de preuve suffisants pour démontrer que ces éléments de rémunérations variables vous étaient dus.

 

 

 

En conclusion

La mise en place d’une rémunération variable, même si elle part d’une volonté de fidélisation des salariés et vient récompenser leur investissement, doit respecter un certain nombre de conditions de validité.

Il convient de prendre des précautions pour écarter tout risque de contentieux. Et notamment, de bien évaluer les performances des salariés lors des entretiens annuels d’évaluation, d’échanger à cette occasion sur les objectifs à atteindre, puis de fixer précisément les règles de rémunération variable en début d’exercice.

Besoin d’aide ?

Nous accompagnons régulièrement des entreprises et des salariés sur ces sujets, aussi bien en conseil qu’en contentieux, devant les tribunaux.

Contactez-nous pour toute question relative aux rémunérations variables ainsi qu’aux bonus. Le premier rendez-vous est sans engagement.

NOS OFFRES TPE/ PME 

NOTRE OFFRE CADRES 

 

Marylaure Méolans, avocate associée VICTOIRE AVOCATS.

 

Références jurisprudentielles

La Cour de cassation s’est prononcée à plusieurs reprises sur la question de la rémunération variable, à l’occasion de contentieux prud’homaux. En voici un aperçu avec les décisions mentionnées dans le cours de cet article.

1 Soc. 10 oct. 2012, n°11-15.296 ; Soc. 7 déc. 2010, n°09-42.657

2 Soc. 10 mars 2021, n°19-18.078

3 Soc. 4 nov. 2021, n°19-21.005

4 Soc. 30 sept. 2020, n°19-14.123

5 Soc. 23 mai 2013, n°11-26.754

6 Soc. 8 avr. 2021, n°19-15.432

7 Soc. 15 déc. 2021, n°19-20.978

8 Soc. 8 juil. 2020, n°18-21.945

9 Soc. 9 fév. 2022, n°20-12.611

10 Soc. 11 avr. 2008, n°06-45.271

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