La discrimination et les inégalités dans l’entreprise – partie 2 #16

En 2020, les inégalités et la discrimination sont encore bien présentes sur le milieu professionnel.

Comme le démontre une vaste enquête de testing commandée récemment par le Gouvernement ; 5000 tests réalisés entre novembre 2018 et janvier 2019 dans 40 entreprises, dont les plus grandes sociétés françaises ! Et devinez quoi ? La discrimination à l’embauche est incontestable mais pas seulement, on la retrouve aussi dans l’évolution de carrière des femmes, les activités syndicales, la parentalité, l’état de santé…

Dans la seconde partie de ce dossier, j’aborde la thématique des inégalités et de la discrimination dans le milieu professionnel

Comment en parler ? Par qui se faire accompagner ? Quels sont les recours envisageables ?

👉🏼 A l’appui de dossiers concrets, je réponds à toutes vos questions

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Très bonne écoute !

 

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Transcription:

Dans le dernier épisode de Droit devant, nous avons parlé de discrimination. L’épisode précédent était consacré à l’explication de la notion de discrimination et au mode de preuve qui allait permettre de réunir des éléments pour monter un dossier de discrimination.

Aujourd’hui, nous envisageons les recours à exercer en cas de discrimination et les actions à envisager.

Quels sont les recours en cas de discrimination ?

 

1- Porter la situation à la connaissance de l’employeur 

Une fois les preuves réunies, vous allez pouvoir porter la situation à la connaissance de votre employeur si vous le souhaitez. On peut par exemple alerter son N+1 ou la direction des ressources humaines pour lui indiquer que l’on pense être l’objet d’une différence de traitement. Et expliquer pourquoi l’employeur va alors pouvoir vous répondre. Et soit vous obtiendrez gain de cause, soit il fera valoir un certain nombre de critères objectifs sur lesquels il se fonde pour vous traiter différemment de vos collègues. Mais comme pour le harcèlement, on a aussi souvent peur de s’en remettre à l’employeur.

 

2 – En parler aux représentants du personnel 

Une autre alternative qui existe et qui peut s’avérer plus adaptée à la situation parfois peut consister à en parler aux représentants du personnel et notamment à un membre du comité social et économique. Pourquoi ? Parce que le Code du travail donne aux membres de la délégation du personnel au Comité social économique la possibilité d’intervenir à la demande d’un salarié ou même de leur propre initiative, dans le cadre d’une procédure d’alerte pour faire cesser des agissements discriminatoires. Donc, les élus peuvent parfaitement vous aider à gérer une situation de ce type.

 

3 – Saisir le Défenseur des droits 

On peut également envisager de parler de cette situation, d‘attirer l’attention du Défenseur des droits qu’on appelait initialement la Halde, qui peut là encore se saisir d’office ou être saisi par un salarié qui s’estime victime de discrimination. La saisine de ce Défenseur des droits est gratuite.

Les modalités d’action du Défenseur des droits :

  • Le Défenseur des droits va pouvoir faire des recommandations à l’employeur pour garantir que les droits et les libertés sont respectés.
  • Il doit pouvoir faire des investigations, donner une injonction d’obtenir un certain nombre de clarifications.
  • Il va pouvoir procéder à la résolution amiable d’un différend qui est porté à sa connaissance et proposer notamment une médiation.
  • Il va pouvoir aussi engager des poursuites, donc il va pouvoir saisir l’autorité publique pour caractériser la discrimination et proposer aussi la conclusion d’une transaction. Le Défenseur des droits n’est pas un juge, mais lorsque certains faits qui sont portés à sa connaissance lui semblent caractériser une discrimination, il va pouvoir transmettre ce dossier au procureur de la République et l’en informer.

Par exemple, dans un dossier, je conseillais un employeur. Deux de ses salariés se disaient discriminées. Elles bénéficiaient d’une très grande ancienneté, mais elles estimaient qu’elles n’avaient pas été promues en raison de leur origine.

Nous avons d’abord démontré que l’origine n’était pas du tout un critère retenu pour les promotions. Nous avions pour cela réalisé des statistiques sur les promotions consenties, puisque de nombreux salariés de la même origine qu’elles avaient bénéficié de promotions.

Ensuite, nous avions expliqué au Défenseur des droits que le système de promotions de l’entreprise était fondé sur l’ancienneté, sur les résultats individuels obtenus et notamment sur un système de points en fonction de la situation individuelle de chacun. Nous avions exploité les entretiens d’évaluation annuels des salariés qui se plaignaient, et qui s’avéraient bien moins satisfaisants que ceux de leurs collègues. Et nous avions également exploité les statistiques des promotions allouées en introduisant un critère de nationalité. Tout cela avait permis de réaliser un certain nombre d’observations qui nous avaient été demandées, que nous avions expliquées de manière très circonstanciée et qui avait permis de répondre à toutes les questions qui nous avaient été posées à la demande du Défenseur des droits.

En tant qu’employeur, il faut démontrer avec des chiffres, avec des éléments objectifs, que les décisions qui sont prises ou les arbitrages qui sont réalisés le sont sans aucune prise en considération d’une origine ethnique ou d’activité syndicale ou d’un autre paramètre qui n’aurait pas à être pris en considération.

 

Pour résumer, concernant les recours non contentieux, c’est à dire les recours qui ne sont pas du ressort d’une juridiction, le salarié qui s’estime victime de discrimination va pouvoir se tourner vers plusieurs interlocuteurs : des avocats, les agents de contrôle de l’inspection du travail, des associations de lutte contre les discriminations, les délégués du personnel, on l’a vu ou le Défenseur des droits. Le champ des possibles est assez large.

 

Ce qu’il faut retenir également, c’est que le salarié témoin de discrimination bénéficie d’une protection lorsqu’il rapporte des faits de discrimination. En effet, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire lorsqu’il témoigne de bonne foi, d’agissements discriminatoires ou parce qu’il les a vécues ou parce qu’il les a relaté, selon le C’est le code du travail.

 

Que faire si l’employeur ne réagit pas ? Quelles sont les actions possibles ? Quelles sont les conséquences ?

Si malgré vos alertes, malgré vos tentatives non judiciaires de résoudre la situation, les choses ne changent pas et que l’employeur n’entend pas régulariser la situation, il est possible de saisir le conseil de prudhommes.

Pour ce qui est de l’inégalité de traitement classique, on sollicite généralement des rappels de salaire ou des dommages intérêts pour compenser le préjudice qu’on caractérise.

Lorsqu’il s’agit d’une différence de traitement fondée sur un critère discriminatoire, la sanction est plus lourde à ce moment là :

  • D’une part, toute décision de l’employeur qui est prise sur un fondement discriminatoire est nulle. Ça signifie que lorsque vous êtes licencié en raison d’une discrimination, vous pouvez demander la nullité de votre licenciement et votre intégration si vous le souhaitez.
  • Et cela permet notamment d’exclure l’application des barèmes Macron et donc de demander des dommages intérêts plus élevés que ceux qui sont plafonnés au terme de ce barème.

Par exemple, il y a plusieurs années (1995), un salarié danseur aux Folies-Bergère, qui avait atteint l’âge de 39 ans, avait été licencié en raison de son âge. La lettre de licenciement expliquait clairement qu’en réalité, le salarié était licencié pour ce motif là. La Cour de cassation a considéré que le licenciement d’un salarié qui repose uniquement sur l’âge est considéré comme nul. Et la Cour de cassation exige, au delà du préjugé qui est lié à l’âge, une vérification des aptitudes et des capacités professionnelles de l’intéressé. Donc, on ne peut pas se contenter de dire que c’est l’âge qui est intervenu et qui est entré en ligne de compte pour prendre une décision, parce qu’à ce moment là, cette décision serait considérée comme nul.

Au-delà de l’action judiciaire prudhommes, il faut savoir que la discrimination est pénalement sanctionnée et que l’employeur encourt 45 000 € d’amende et jusqu’à trois ans de prison.

Par exemple, en octobre 2009, c’est la société Generali, une société d’assurance, qui a été condamnée à 151 800 € de dommages intérêts en raison d’une discrimination fondée sur le sexe. Dans cette affaire, c’était une femme qui était employée comme agent d’assurances qui s’était aperçue que son salaire mensuel était inférieur à celui de ses collègues masculins. Alors que les collègues masculins dont il était question avaient été embauchés à la même époque qu’elle et bénéficiaient de la même classification. Malgré ces alertes, l’employeur n’avait pas souhaité régulariser la situation et c’était une condamnation financière élevée qui avait été prononcée par la juridiction en tant que sanction de cette discrimination liée au sexe.

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