La procédure d’inaptitude – Droit Devant #6

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Droit Devant, le podcast de Maître Marylaure Méolans, avocate experte en droit du travail.

Dans cet épisode, Marylaure aborde le sujet de l’inaptitude médicale.

Vous y trouverez les réponses à toutes les questions que vous vous posez :

  • Qui prononce l’inaptitude ?
  • Quelles sont les étapes de cette procédure ?
  • Peut-on contester l’avis d’inaptitude rendu par le Médecin du travail ?
  • Qu’est ce que l’obligation de reclassement ?
  • Quelles sont les indemnités versées suite à un licenciement pour inaptitude ?

Vous pouvez m’adresser des suggestions de thèmes que vous souhaiteriez voir aborder dans le podcast en m’écrivant : m.meolans@victoire-avocats.eu

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Retranscription du podcast :

Aujourd’hui, on parle de la procédure d’inaptitude.

Qu’est-ce que l’inaptitude ? Dans quels cas est-elle prononcée ? Quelles sont les conséquences en termes de reclassement et de licenciement ? Comment la contester ? Voici les questions qui seront traitées dans l’épisode aujourd’hui.

La première question que l’on me pose souvent, c’est de savoir qui prononce l’inaptitude médicale ?

Est-ce que le médecin traitant peut par exemple, prononcer une inaptitude ?

La réponse est non. C’est nécessairement le médecin du travail qui va prononcer l’inaptitude et qui va donc rendre un avis d’inaptitude pour le poste occupé. Cela peut se faire par exemple, lors d’une visite médicale qui aura lieu au sein de la médecine du travail, lors d’une visite obligatoire de suivi, ou encore à l’occasion d’une visite de reprise du travail.

Lorsque vous avez été absent dans le cadre d’une maladie non professionnelle durant une période de plus de 30 jours, l’employeur a l’obligation d’organiser une visite auprès de la médecine du travail et le médecin pourrait alors prononcer un avis d’inaptitude. Ce peut être également à tout moment : vous pouvez vous manifester auprès de la médecine du travail pour demander une visite à l’issue de laquelle le médecin pourrait prononcer une inaptitude médicale. L’inaptitude, en réalité, est une décision qui va être prise par le médecin du travail lorsque celui-ci va constater que l’état de santé du salarié est devenu incompatible avec le poste qu’il occupe.

Un constat peut être fait : malgré les aménagements du poste occupé par le salarié, ces aménagements ne pourront pas être suffisants pour garantir que le travail soit exercé dans des conditions satisfaisantes. Donc, au niveau de la procédure, il s’agit d’un acte qui peut être lourd de conséquences, vous l’aurez compris, puisque c’est une décision qui va déboucher sur la rupture du contrat de travail. C’est pourquoi une procédure spécifique encadre la décision du médecin du travail.

Cette procédure se déroule en plusieurs étapes : tout commence par l’examen médical dont on vient de parler. Cet examen peut être renouvelé, c’est à dire que le médecin du travail peut, s’il le souhaite, solliciter le salarié pour un nouvel examen médical.  Il va aussi y avoir la réalisation d’une étude du poste par le médecin du travail. Le médecin du travail va également étudier les conditions de travail dans l’établissement, analyser la fiche d’entreprise et échanger avec l’employeur.

Toutes ces étapes sont obligatoires et si l’une d’entre elles n’est pas remplie, la procédure n’est pas valable, ce qui signifie que l’employeur doit être extrêmement vigilant. Même si des erreurs de procédure sont commises par le médecin du travail, ce sera l’employeur qui en supportera la responsabilité, notamment en cas de contentieux devant le Conseil de prud’hommes. Il est impératif que l’employeur s’assure que toutes les étapes de la procédure que je viens de lister, soient bien respectées, puisqu’il encourt des condamnations si la procédure n’est pas suivie.

L’avis d’inaptitude qui sera rendu par le médecin du travail va devoir être éclairé par des observations qui seront écrites et le médecin va également devoir formuler des indications.

A l’issue de l’examen médical, plusieurs solutions sont envisageables :

– Le médecin peut rendre un avis d’inaptitude totale, c’est à dire considérer que le maintien dans l’emploi causerait un grave préjudice à l’état de santé du salarié et que par conséquent, aucun reclassement ne peut avoir lieu (nous parlerons du reclassement tout à l’heure).

– Ou bien, il peut émettre des réserves. C’est à dire qu’il peut considérer que le poste tel qu’il existe aujourd’hui ne peut pas perdurer dans ces conditions, mais que néanmoins, on pourrait envisager des aménagements. Le salarié pourrait être affecté à un poste de travail différent. Par exemple, il ne peut plus faire de manutention mais on pourrait envisager de supprimer tout port de charges supérieur à un certain nombre de kilos. Pour un salarié itinérant, on pourrait envisager de l’affecter à un poste sédentaire, ou suggérer à l’employeur de mettre en place du télétravail. Ce sont des prescriptions, des préconisations qui sont formulées par le médecin du travail une fois qu’il a examiné le salarié. L’avis d’inaptitude, comme je vous le disais, peut-être une inaptitude totale, mais peut également consister en des aménagements de poste que le médecin du travail formule et dont l’employeur devra tenir compte.

Une fois que cet avis émis par le médecin du travail est rendu, se déclenche une période durant laquelle il va être extrêmement important pour l’employeur de multiplier les échanges avec le médecin du travail.

Autrement dit, si les préconisations qui sont faites par le médecin du travail ne sont pas claires, l’employeur ne devra pas hésiter à écrire à la médecine du travail. En réalité, ces échanges entre l’employeur et le médecin du travail ne résultent d’aucune obligation, mais ce sont des éléments qui sont pris en compte par les juges prud’homaux dans le cadre d’un dossier pour inaptitude lorsque le salarié conteste l’inaptitude. La question est de savoir si l’employeur a essayé véritablement de bien comprendre les préconisations médicales qui étaient formulées, essayé de les mettre en œuvre dans la mesure du possible. Évidemment, si finalement, l’employeur constate qu’aucun poste ne répond aux préconisations du médecin du travail alors, il pourra passer à la phase du licenciement. Mais cette décision de licencier ne doit jamais intervenir de manière prématurée et l’employeur doit systématiquement démontrer qu’il s’est livré véritablement à la recherche de reclassement du salarié, dans les meilleures conditions possibles, et avec la volonté d’y parvenir coûte que coûte.

Une des questions qui nous est souvent posée au cabinet est de savoir si cet avis rendu par le médecin du travail va pouvoir faire l’objet d’une contestation. La réponse est oui, mais il va falloir agir vite puisque le conseil de prudhommes va devoir être saisi dans un délai de quinze jours à compter de l’avis de la médecine du travail. L’avis médical va pouvoir être contesté par les deux parties (salarié et employeur), le salarié ou l’employeur saisira le Conseil de prudhommes dans sa forme des référés. Donc, c’est une décision qui va intervenir particulièrement rapidement.

C’est d’ailleurs ce qui nous est arrivé récemment au cabinet puisque dans un cas qui nous occupait, la contestation venait de la part de l’employeur. Une société qui faisait du change dans les aéroports considérait que l’une des salariées avait bénéficié d’un avis rendu par la médecine du travail qu’elle qualifiait de complaisant. La salariée avait pu bénéficier de la part de la médecine du travail d’horaires aménagés et l’employeur pensait que ces aménagements avaient été sollicités par la salariée de manière abusive, qu’ils ne se justifiaient pas. Cela a donné lieu à la saisine du Conseil de prudhommes par l’employeur.

Comment se passe la procédure concrètement ? La saisine doit intervenir dans les quinze jours suite à l’avis de la médecine du travail. Le médecin du travail n’est pas parti à l’instance prud’homale, bien que ce soit lui qui soit l’auteur de l’avis.

Dans notre cas, la salariée pouvait parfaitement justifier des aménagements d’horaires qui avaient été prononcés par la médecine du travail. Mais c’est un moment qui est assez désagréable puisqu’elle a dû expliquer sa pathologie devant le Conseil de prudhommes, en l’occurrence un diabète assez lourd qui lui imposait de se faire des injections à heure fixe, et donc, les horaires de nuit que l’employeur essayait de mettre en place ne convenaient pas du tout à son rythme et à son état de santé. Et c’est pourquoi le médecin du travail avait refusé les horaires de soirée et de nuit que l’employeur essayait d’instaurer.

Le médecin du travail, lorsqu’il rend un avis d’inaptitude ou un avis médical ne justifie pas de considérations médicales qui sont couvertes par le secret professionnel. Mais lorsqu’il y a une contestation de l’avis devant la juridiction prud’homale, malheureusement, le salarié est amené souvent à faire état de ses éléments médicaux qui justifient la décision de la médecine du travail. Suite à cette contestation qui était émise par l’employeur, le Conseil de prudhommes a décidé de faire appel à un tiers, c’est à dire à un expert médical.

Le Conseil de prudhommes à plusieurs possibilités dans ce cas, il peut effectivement faire appel à un médecin expert (c’est ce qu’il a décidé de faire dans notre cas). Il peut également décider d’entendre le médecin du travail qui est à l’origine de la décision. Il peut prendre des mesures, confier une mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail. Il y a tout un tas d’options qui sont envisageables. Dans notre cas, le Conseil de prud’hommes a décidé de confier l’examen médical à un expert médical. Cette expertise va pouvoir se tenir mais elle suppose de préparer un dossier médical pour que le médecin expert confirme la décision qui a été rendue par le médecin du travail. Voilà en ce qui concerne la contestation de l’avis d’inaptitude.

On va parler maintenant du reclassement. Que recouvre cette notion de reclassement qui est imposée aux employeurs ?

Quand le médecin du travail considère que le salarié est inapte au poste qu’il occupe, sans dire dans son avis que le reclassement est impossible, l’employeur va devoir se livrer à une recherche, à un reclassement. Le reclassement, c’est la recherche par l’employeur d’un autre emploi approprié aux capacités du salarié, qu’il va pouvoir lui proposer, afin donc de respecter l’obligation légale de reclassement.

Le reclassement est mené par l’employeur au sein de l’entreprise. Le reclassement ne doit pas être mené de manière trop rapide parce que là encore, c’est un indicateur pris en considération par le Conseil de prud’hommes pour savoir si la procédure est valable et a été régulièrement menée ou pas. La recherche de reclassement est une étape cruciale. Souvent, les axes de contestation consistent à considérer que le reclassement n’a pas été mené de manière proportionnée, avec les moyens dont dispose le groupe. Dans un groupe sur le territoire français qui aurait un très grand nombre de salariés, on aura du mal à considérer qu’aucun poste de reclassement n’ait été proposé au salarié. Pour que le reclassement soit mené dans des conditions sérieuses, souvent, on apprécie le fait de savoir si l’employeur a demandé au salarié de produire un curriculum vitae à jour, s’il a véritablement écrit, avec des justificatifs d’envoi à toutes les sociétés ou tous les établissements du groupe, pour creuser la possibilité de reclasser et s’il a été diligent dans ses recherches, c’est à dire s’il ne s’est pas contenté d’un seul et unique refus, mais qu’il a bien sollicité plusieurs établissements, qu’il a envoyé un CV à tous les établissements du groupe, qu’il a éventuellement multiplié les échanges avec le salarié pour savoir ce qu’il serait prêt à accepter ou non.

L’employeur peut aussi être amené à proposer des formations pour permettre au salarié de se positionner sur un poste plus facilement. Tous ces efforts vont être pris en compte pour savoir si en cas de contentieux, la recherche a été menée avec diligence. Les condamnations, notamment la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, sera la sanction qui découlera d’une procédure de licenciement qui reposerait sur un reclassement mal effectué.

Pendant cette recherche de reclassement, qui fait suite immédiatement à l’avis médical rendu par le médecin du travail, il y a une suspension dans le paiement du salaire, donc le salarié ne va pas être rémunéré durant le mois qui va suivre l’avis médical rendu par le médecin du travail. En revanche, si à l’issue de ce délai de un mois à compter de l’avis du médecin du travail, le salarié qui a été déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise parce que l’employeur n’est pas parvenu à identifier un poste ou si l’employeur ne l’a pas licencié, à ce moment-là, la société va devoir se remettre à verser le salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension de son contrat travail. Donc pour éviter cette perte de salaire pendant le mois qui va suivre l’avis d’inaptitude rendu par le médecin, il y a plusieurs solutions : soit le salarié fait prolonger son arrêt de travail, soit il utilise ses congés pour ne pas subir de perte de salaire.

A l’issue de cette recherche de reclassement, si l’employeur n’est pas parvenu à identifier un poste de reclassement, alors il va pouvoir rompre le contrat de travail du salarié dans le cadre d’une procédure classique. C’est à dire : convocation à un entretien préalable, entretien préalable dans les conditions dont nous avons parlé dans l’un des précédents podcasts, et puis ensuite, notification du licenciement avec la rédaction d’une lettre de licenciement qui doit répondre à certaines conditions juridiques pour être valable. Il va falloir soit faire apparaître dans la lettre l’impossibilité de proposer un poste compatible avec l’état de santé du salarié, soit expliquer que le salarié a refusé le poste de reclassement, et mentionner la décision qui a été rendue par la médecine du travail.

Quelles seront les indemnités versées lors d’un licenciement pour inaptitude ? Si on est dans le cas d’une inaptitude qui fait suite à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié va pouvoir prétendre à une indemnité de licenciement calculée de la manière la plus favorable entre l’indemnité conventionnelle ou l’indemnité légale. Les congés payés qui ont été acquis, mais non soldés lui seront versés à cette occasion. En revanche, concernant le préavis, il faut savoir qu’une inaptitude qui fait suite à une maladie ou un accident non professionnel ne donne pas lieu au versement d’une indemnité compensatrice de préavis puisque le préavis ne va pas être exécuté, l’inaptitude en empêchant l’exécution. Ce qui n’est pas le cas pour l’inaptitude faisant suite à une maladie ou un accident professionnel, puisque dans ce cas, l’indemnité compensatrice de préavis sera réglée au salarié. Au-delà de cette indemnité de préavis, le salarié aura également droit à une indemnité spéciale de licenciement correspondant au double de l’indemnité légale.

Merci de votre écoute et à très bientôt !

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