L’utilisation de l’outil informatique et d’internet au travail – Droit Devant #4

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ÉPISODE SPÉCIAL Le contrôle de l’activité des salariés par l’outil informatique

Dans cet épisode spécial, qui intervient suite au bad buzz généré par les vidéos postées par les salariés du Slip Français, Marylaure aborde un sujet d’actualité :
Quelles sont les règles relatives à l’usage de l’outil informatique et d’internet au travail ?

Avec en bonus la présentation d’un cas concret relatif au licenciement d’un salarié s’étant fait suivre de nombreux mails professionnels sur sa boîte mail personnelle.

Vous y trouverez les réponses à toutes les questions que vous vous posez :

  • L’employeur peut-il exploiter les données stockées sur l’ordinateur professionnel ? 0:49 à 3.16
  • L’utilisation de la messagerie professionnelle peut-elle générer des sanctions ? 3:18 à 4:45
  • Cas concret d’un salarié licencié suite à l’envoi de mails sur une adresse extérieure à la société 4:45 à 8:56
  • L’historique de navigation 8:56 à 9:51
  • Les propos tenus sur les réseaux sociaux 9:56 à 11:30

Très bonne écoute !

Vous pouvez m’adresser des suggestions de thèmes que vous souhaiteriez voir aborder dans le podcast en m’écrivant : m.meolans@victoire-avocats.eu

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Retranscription du podcast :

L’épisode d’aujourd’hui fait suite aux nombreuses interrogations que nous avons reçues au cabinet, relatives à l’utilisation de l’outil informatique sur le lieu de travail : ordinateurs, mails, internet, réseaux sociaux…

Quel peut être l’usage de ces supports au sein de l’entreprise ? Décryptage.

D’abord, qu’en est-il concernant l’ordinateur professionnel confié au salarié dans le cadre de ses fonctions ? Il est fréquent que vous ayez tendance à stocker des informations, parfois des informations personnelles. C’est une pratique qui est admise du moment que l’usage personnel du matériel professionnel se fait dans un cadre raisonnable.

Le salarié va donc avoir le droit de se ménager un espace personnel sur l’ordinateur professionnel. Néanmoins, il convient d’être extrêmement vigilant parce que l’employeur pourra parfaitement accéder à ce support et à tout ce qui est stocké sur le matériel d’origine professionnelle, excepté si vous avez identifié les fichiers ou les dossiers comme personnels. On a eu plusieurs exemples dernièrement. Le seul fait d’intitulé, un fichier ou un dossier « mes documents » ne suffit pas, l’employeur pourra donc avoir accès à ces documents. Si vous intitulez votre dossier ou vos fichiers sous votre prénom, par exemple « Claire Aland », là encore, cela ne suffit pas. L’employeur peut parfaitement accéder aux dossiers, aux fichiers qui portent votre prénom. Mettre simplement vos initiales sur le fichier ou sur le dossier n’est pas une bonne idée non plus. La seule solution pour que l’employeur ne puisse pas accéder à vos fichiers et à vos dossiers, c’est d’identifier clairement ceux-ci avec la mention « personnel et confidentiel ».

Même dans ces conditions, dès lors que l’employeur serait en mesure d’identifier un risque ou un évènement particulier qui lui donnerait l’occasion d’avoir ce qu’on appelle une « suspicion légitime », il serait fondé à ce moment-là, à accéder aux fichiers et aux dossiers du salarié, malgré l’identification claire et précise. Par exemple, s’il a une suspicion légitime de concurrence déloyale, l’employeur pourrait passer outre la dénomination de « personnel et confidentiel ». Donc, les dossiers, les fichiers et toutes les informations, quelles qu’elles soient, que vous pouvez stocker sur l’ordinateur professionnel, initialement mis à votre disposition par votre employeur, sont des informations auxquelles celui-ci va pouvoir avoir accès de manière assez facile.

Qu’en est-il maintenant des messageries professionnelles ? Les règles sont alignées avec celles que je viens de vous décrire concernant le stockage des informations et l’accès à l’ordinateur. Les messageries professionnelles, c’est un peu la même chose, c’est à dire que les messages que vous recevez, que vous envoyez, sont présumés avoir un caractère strictement professionnel et l’employeur va avoir la possibilité de les ouvrir en dehors de votre présence, sauf dès lors que vous les avez identifiés comme « familiaux » ou « personnels » ou « confidentiels ».
C’est la seule réserve qui empêchera l’employeur d’en prendre connaissance.

Ensuite, il faut savoir que des dispositions particulières peuvent aussi découler d’un règlement intérieur ou d’une charte informatique. Par exemple, un règlement intérieur peut prévoir que le salarié doit systématiquement être présent lorsque l’employeur consulte la messagerie électronique, et donc qu’il ne peut pas effectuer cette consultation en dehors de sa présence ou alors, au contraire, un texte au sein de l’entreprise, un règlement, un accord peut au contraire, comme je vous le disais, prévoir qu’il est parfaitement interdit pour les salariés d’utiliser de manière personnelle une messagerie professionnelle. Donc, il convient aussi d’être vigilant aux textes internes à l’entreprise qui pourrait donc exister et édicter des pratiques particulières.

À ce sujet, je trouve qu’il est intéressant de vous parler d’un dossier traité par le cabinet il y a quelques temps. Il s’agissait d’un salarié est venu nous voir, car les relations avec son employeur étaient compromises.  Il venait d’être convoqué à un entretien préalable à un licenciement. Oralement, il lui avait déjà été dit qu’il serait vraisemblablement licencié pour insuffisance professionnelle. Ses chiffres et ses résultats enregistrés étaient considérés comme « en dessous » du niveau des attentes de l’employeur. Il se trouve qu’il s’agissait d’un salarié travaillant dans une banque française, sur les marchés financiers plus précisément, et sur le marché américain en particulier. Ce qui le conduisait donc à travailler la nuit. Afin de montrer, le contexte de dégradation de la situation avec son employeur, et pour montrer qu’il travaillait régulièrement la nuit, il s’était fait suivre des mails de son adresse professionnelle à son adresse personnelle, et donc des mails envoyés à 2h/3h du matin. L’idée était de démontrer que l’employeur avait une parfaite connaissance de ce travail nocturne. Le volume et le nombre de mails professionnels qu’il s’était envoyé sur son adresse personnelle a attiré l’attention de l’employeur via le dispositif de contrôle. Il y avait un dispositif mis en place contrôlant les flux de mails entrants et sortants et qui lançait des alertes dès lors que ces flux étaient particulièrement importants. L’employeur, qui finalement a eu connaissance de ces envois massifs de mails, ne l’a finalement pas licencié pour insuffisance, mais pour s’être fait suivre ces mails professionnels sur son adresse personnelle. Le sujet était de savoir si l’employeur avait le droit ou non, de licencier ce salarié pour ce motif. Devant le Conseil de prudhommes, puis la Cour d’appel, nous soutenions que ces envois étaient indispensables pour que ce salarié puisse faire valoir ses droits en justice, en l’occurrence faire payer les heures supplémentaires qu’il réalisait sans aucune contrepartie. L’idée était évidemment de démontrer qu’il s’agissait de mails dont il avait eu connaissance dans le cadre de ses fonctions. L’employeur, lui, avait une position qui était clairement divergente de la nôtre et qui consistait à dire « J’ai mis en place une charte informatique qui interdit aux salariés de s’adresser des mails professionnels sur leur boîte personnelle. Donc, ce comportement est répréhensible et donc j’ai toute latitude pour procéder à son licenciement dans ces conditions. »

Dans ce dossier précisément, ce qui nous a sauvé, c’est que le système utilisé par la banque n’était pas régulier. En effet, il n’avait pas été régulièrement déposé auprès de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés. A l’époque, il fallait faire un dépôt et signaler ce type d’utilisation d’outil informatique. Ici, le dépôt avait bien été fait, mais il ne mentionnait pas que le dispositif pouvait avoir pour objectif de contrôler les salariés.

Mais de manière plus générale, évitez de faire suivre des mails professionnels sur votre boîte mail personnelle parce que, la plupart des structures aujourd’hui, se dote d’une charte informatique qui interdit ce genre de comportements. Il peut donc y avoir des sanctions pour usage de l’outil informatique, qui serait considérait comme confidentiel et dangereux pour les intérêts de l’entreprise. Si vous avez des mails dont vous souhaitez pouvoir vous servir, je vous invite à les imprimer, mais certainement pas à vous les faire suivre, et encore moins sur une adresse extérieure à l’entreprise.

Concernant maintenant l’historique de navigation des sites sur lesquels vous avez navigué, là encore, cet historique peut être parfaitement consulté par l’employeur de manière libre. Lorsque vous classez un site que vous consultez de façon fréquente dans la rubrique « favoris », cela ne donne pas à cet historique de navigation un caractère personnel.

L’employeur peut librement contrôler votre historique qui indique donc les sites internet visités. Ce n’est pas une immixtion dans votre vie privée. D’ailleurs, plusieurs exemples de licenciements sont intervenus en raison de l’importance des connexions à certains sites, parce que les salariés passaient trop de temps à consulter des sites inappropriés ou parfaitement étrangers à leur fonction professionnelle. Là encore, l’historique de navigation peut parfaitement être exploité par la société.

Dernier sujet évoqué aujourd’hui : les propos qui sont tenus, notamment sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram…).

Plusieurs arrêts ont été rendus « au fil de l’eau ». La jurisprudence s’est construite au fil de l’utilisation de ces nouveaux outils.

Le sujet pour les juges, est de savoir si les propos tenus sur ces réseaux ont, ou n’ont pas, un caractère public. En effet, lorsque le caractère public des propos n’est pas établi, les juges considèrent que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Donc en réalité, le débat porte souvent sur le paramétrage des comptes, et il s’agit de savoir si les salariés s’adressent exclusivement à une audience qui est privée, c’est-à-dire un cercle restreint d’amis, avec des échanges qui ont une nature très limitée, ou si au contraire, le compte est ouvert à tous les membres du réseau social. Par exemple sur Facebook, à tous les membres Facebook ou même aux amis d’amis. Si tel est le cas, il y a un risque que les propos tenus soient qualifiés de propos publics et que l’employeur puisse vous sanctionner sur le fondement de ces propos. Là encore, soyez vigilants quant à vos publications sur les réseaux sociaux car dans certaines conditions, les propos qui sont tenus sur ces réseaux peuvent être retenus pour justifier une sanction.

Voilà pour les règles applicables à l’utilisation de l’outil informatique au travail. Je vous remercie de votre écoute, et je vous dis à bientôt !

 

 

Premiers avis sur Apple Podcasts

***** Cricri03112019 | 10/11/2019  | Merci beaucoup !!

J’ai pu grâce à vous aller à mon entretien préalable au licenciement injustifié en étant préparé et sans stress même si ce n’était pas un moment facile à passer…


***** Pseudober | 07/11/2019  | Merci de rappeler ces bases.

Vous nous permettrez de suggérer aux employeurs que nous conseillons en recrutements (et parfois en cessations du contrat de travail malheureusement) de suivre votre site et vos conseils. Continuez.


***** Isabelle Cheurlin | 16/11/2019 | Entretien Préalable

En tant qu’ex employeur, je confirme que cet entretien préalable est très important. Le Podcast est très complet et précieux d’informations ! Félicitations pour cette nouvelle initiative Marylaure.


***** Kris13008 | 15/11/2019 | Très bon Podcast

Des conseils précieux. Merci. Hâte de découvrir les prochains épisodes.

Réactions et Commentaires sur Linkedin

Quelques avis postés sur Linkedin

Diane Chevalier Juriste en droit des contrats d’entreprise et droit social

J’ai écouté sur Spotify le premier épisode du podcast Droit Devant de Marylaure MEOLANS sur l’entretien préalable au licenciement, et c’était passionnant ! Tout le droit expliqué simplement et efficacement en 15 minutes, une vraie pépite pour les clients (et les étudiants !) ??


Christophe Lefevre Technique & Développement business

Bonjour, après écoute, au delà de l’initiative intéressante mentionné hier, je me permets de vous féliciter pour la qualité du contenu. Clair, précis, concis et accessible à tous. Bien à vous.

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2 réactions sur “ L’utilisation de l’outil informatique et d’internet au travail – Droit Devant #4 ”

  1. Ping Peut-on être licencié pour une vidéo postée sur les réseaux sociaux ? – Victoire Avocats

  2. Ping Les usages de l’outil informatique – Xerfi Canal – Victoire Avocats

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