Prestataire de services ou recrutement en CDI ? Droit Devant #13

Vous hésitez entre recruter un collaborateur en CDI ou faire appel à un prestataires de services ?

Si le recours à un prestataire de services vous tente, cet épisode est fait pour vous !
Il répond à toutes les questions que vous vous posez et notamment :

  • Quels sont les avantages présentés par le recours à un prestataire de services ? simplification des démarches administratives, non assujettissement des sommes versées aux charges sociales, formalités de départ allégées…
  • Mais attention, il existe des risques et des inconvénients à bien anticiper avant de se lancer.

On vous donne TOUS les conseils utiles pour ne prendre aucun risque.

Très bonne écoute !

Vous pouvez m’adresser des suggestions de thèmes que vous souhaiteriez voir aborder dans le podcast en m’écrivant : m.meolans@victoire-avocats.eu

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Retranscription du podcast :

Les jeunes entreprises sont nombreuses à hésiter à passer le cap de leur premier recrutement en contrat de travail à durée indéterminée et souvent, avant de se lancer, elle décide de faire appel à des prestataires de services.

Les chiffres donnés par l’Insee en témoignent, les microentreprises prospèrent en France avec un niveau record atteint en 2018, plus de 300 000 enregistrements rien que sur cette année-là !

Alors, faut-il faire appel à un prestataire de services ? Un auto-entrepreneur ? ou plutôt opter pour l’embauche d’un salarié en CDI ? Quels sont les avantages et les inconvénients présentés par ce type de contrat ? Quels sont les pièges à éviter aussi ?

Ce sont les questions auxquelles nous répondons dans l’épisode d’aujourd’hui.

Qu’est-ce que la prestation de services ? C’est une notion qui est très large et qui concerne initialement le droit des affaires. D’ailleurs, le Code du travail ne fait pas directement référence à la prestation de services. C’est en fait un contrat conclu entre deux entreprises par lequel une entreprise s’engage à exécuter pour une autre un travail de façon totalement indépendante et moyennant un prix convenu ensemble. L’un des exemples que l’on peut donner de cette pratique, c’est une société, notamment une startup, qui va avoir recours à ce que l’on appelle dans le langage courant, un auto-entrepreneur.

Il existe des exemples très médiatisés et variés de prestation de services. Les exemples les plus connus sont les chauffeurs Uber ou encore les livreurs Deliveroo. Ce sont des livreurs qui sont auto-entrepreneurs, immatriculés comme tels, qui travaillent en tant qu’indépendants et bénéficient, en principe, d’une grande liberté dans l’organisation de leur travail. Mais il existe beaucoup d’autres exemples de recours à la prestation de services. Par exemple, les coachs de certaines salles de sport peuvent être des prestataires de services, les professeurs de certains organismes de formation ou les développeurs de sites web ou les webdesigners. Bref, on a une multiplicité de prestataires de services qui vont donc offrir une prestation dans ce cadre juridique.

Il est évident qu’il existe de nombreux avantages à faire appel à un prestataire. D’abord, cela permet à une entreprise de réaliser une mission pour laquelle elle n’a pas forcément les compétences en interne et donc de la déléguer de manière ponctuelle à un prestataire externe. Ce peut être également l’occasion pour une société qui n’a pas encore de visibilité sur son développement commercial de faire appel de manière ponctuelle à des intervenants au gré de ses besoins.

Il est vrai que les avantages sont nombreux par rapport à une embauche dite « classique », puisque la société qui décide de recourir à un auto-entrepreneur ne va pas avoir de contrat travail à rédiger, ne va pas avoir de déclaration d’embauche à réaliser. L’auto-entrepreneur va lui présenter des factures selon une échéance, qui aura été convenue et ces sommes feront l’objet d’un règlement. Elles ne seront pas assujetties à des charges sociales, ni à de la CSG/CRDS. Lors de la rupture, à la fin de la mission, il n’y aura pas de formalités particulières à accomplir. Ce ne sera donc pas comme un salarié dont on entend mettre fin au contrat de travail, ici, on n’aura pas de procédure de licenciement à respecter. De plus, si on veut tout simplement cesser de faire appel à l’auto-entrepreneur, on n’encourt pas, en principe, de risque prud’homal.

Pourquoi en principe ? Car, pour que ce soit vraiment le cas et que la société donneuse d’ordres n’encourt aucun risque, elle doit veiller à ce que le prestataire de services reste véritablement indépendant. Ce qui signifie que le prestataire de services doit rester libre dans la réalisation de sa mission. Le donneur d’ordres ne peut pas lui imposer des horaires de travail stricts ou lui imposer de travailler dans les bureaux de sa société. En fait, l’auto-entrepreneur ou le prestataire de services doit être libre de décider. Il va pouvoir aussi choisir de travailler pour plusieurs clients en même temps s’il le souhaite. Il ne sera pas soumis à un lien de subordination avec l’entreprise qui fait appel à lui. Si ce n’est pas le cas et que le prestataire de services n’est pas véritablement indépendant, alors il y a un risque que les juges considèrent que les prestataires de services sont en réalité des salariés, c’est à dire liés aux donneurs d’ordres, par un contrat de travail.

C’est ce qui s’est passé en novembre 2018, lorsque la Cour de cassation a décidé de retenir l’existence d’un contrat de travail entre la plateforme Take It Easy et l’un de ses livreurs. Ce fut encore le cas en février 2020, où il a été admis qu’il existait un contrat de travail entre la société Deliveroo et l’un de ses livreurs. Même chose en mars 2020, la Cour de cassation, une fois encore, a admis l’existence d’un contrat de travail entre la société Uber et l’un de ses chauffeurs. Dans ces décisions, ce qu’il ressort, c’est que les juges ont pris en considération un certain nombre d’éléments pour requalifier les chauffeurs/livreurs en salariés. Donc, les juges se sont montrés vigilants sur un certain nombre de points qui étaient les suivants : Tout d’abord, les juges ont relevé que le prestataire de services était constamment surveillé par un système de géolocalisation de la plateforme. Ils ont relevé que le livreur ou le chauffeur avait bien la possibilité de se déconnecter de la plateforme, mais que lorsqu’il opérait plusieurs déconnexions successives, la plateforme le sanctionnait par une diminution des missions qui lui étaient proposées voire même par une désactivation de son profil de manière temporaire. On avait donc une sanction qui était opérée dans l’exécution, par le donneur d’ordres. Et, dernier critère, le prestataire ne pouvait pas choisir sa zone géographique d’intervention ni ses tarifs. Ces éléments cumulés ont conduit les magistrats à considérer qu’en réalité, les livreurs, chauffeurs, prestataires de service étaient liés avec ces différentes plateformes par des contrats de travail.

Donc, vous l’avez compris, lorsque le prestataire parvient à démontrer l’existence de ce qu’on appelle le « lien de subordination », c’est à dire lorsqu’il parvient à démontrer qu’il n’est pas seul à déterminer les conditions de son intervention, qu’il est soumis à une autorité hiérarchique s’exerçant sur lui, le contrat de prestations de service va pouvoir être requalifié par les juges en contrat de travail. On parle alors de « salariat déguisé ».

Les conséquences concrètes sont nombreuses. D’abord, le prestataire est considéré comme un salarié depuis le début de la relation contractuelle.

Donc, on considère qu’il aurait dû bénéficier de tous les droits dont bénéficiaient les autres salariés de l’entreprise, par exemple la couverture maladie/accident, le chômage, la mutuelle, la prévoyance, etc. Et le prestataire va pouvoir solliciter la régularisation de sa situation et l’indemnisation du préjudice qui découle de cette absence de régularisation par le passé. Si le contrat a été rompu, le prestataire va pouvoir demander à ce que la requalification du contrat de travail lui ouvre droit aux indemnités de rupture classiques : notamment l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et surtout, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque la procédure classique de licenciement n’aura pas été mise en œuvre, le donneur d’ordre étant persuadé de faire appel à un prestataire de services.

Enfin, dernière chose, il existe également un risque de reconnaissance d’une infraction pénale : le travail dissimulé. Le travail dissimulé peut donner droit à une indemnité de six mois de salaire au profit du salarié. Aussi, la société peut être condamnée au plan pénal et va devoir opérer un certain nombre de régularisations auprès de l’Urssaf.

En pratique, comment fait-on et comment procède-t-on pour réduire ces risques de requalification du contrat de prestations de services en contrat travail ? Il est évident qu’on ne peut pas donner une réponse de manière parfaitement exhaustive à cette interrogation. Mais en tout cas, on peut donner des pistes pour permettre de réduire le risque de requalification. La première chose, consiste à limiter de manière temporelle la durée de la prestation de services. Parce qu’il est évident que si la prestation de services a lieu sur de très nombreuses années, c’est un des critères qui peut être pris en considération : la durée de la relation peut conduire à une requalification.

Donc, il vaut mieux faire appel à des prestataires de manière ponctuelle : jamais pour pourvoir un emploi structurel de l’entreprise, jamais pour pourvoir un besoin véritablement permanent, mais plutôt de manière ponctuelle, avec des missions confiées à des prestataires qui vont pouvoir ponctuellement s’interrompre parce que l’organisation structurelle de la société ne nécessite pas que vous fassiez appel à ce type de prestataires de manière permanente. La première chose à faire, c’est donc de veiller à ce que la durée de la mission ne soit pas excessive.

Et puis surtout, il faut véritablement être vigilant à permettre aux prestataires de conserver leur indépendance. Il n’est pas forcément exclu que le prestataire exerce sa mission depuis vos locaux, par exemple, ou avec du matériel que vous allez pouvoir mettre à sa disposition. Mais ce sont néanmoins des indices qui peuvent contribuer à une demande de requalification. Donc, il faut toujours être vigilant au matériel qu’on met à disposition de son prestataire.

Nous avons conseillé une société récemment au cabinet, qui faisait appel à un prestataire de services depuis des années. Il se trouve que ce prestataire de services figurait sur les organigrammes de l’entreprise. Il était pourvu de cartes de visite au nom de la société, qu’il avait également une boîte mails à laquelle il pouvait accéder avec l’adresse de la société. De plus, il travaillait dans les locaux de l’entreprise depuis des années, sur des plages horaires identiques à celles des autres salariés de l’entreprise. Il avait véritablement des habitudes qui s’étaient inscrites sur la durée. Donc, ce type d’habitudes est évidemment à proscrire parce que ce sont des indicateurs qui pourront être utilisés par le prestataire de services pour se voir reconnaître en contrat de travail dans le cadre d’une action prud’homale.

Les recommandations sont de ne pas se comporter comme avec les « salariés classiques » de la société, donner la possibilité au prestataire de contracter avec d’autres sociétés clientes. Il faut également veiller à son indépendance, ne pas lui conférer une signature mail similaire à celle des autres salariés, de ne pas lui donner de cartes de visite, faire en sorte qu’il ne soit pas assimilable à un salarié de votre structure. De manière plus globale, dans le contrat comme dans les échanges que vous allez avoir au fil de la mission, il faut être extrêmement attentif au langage qui est utilisé et proscrire toute injonction puisque finalement, ce prestataire est libre dans la mise en œuvre du service que vous lui commandez et donc il ne doit pas être soumis à votre pouvoir hiérarchique.

Derniers conseils sur le recours à la prestation de services, il faut être extrêmement vigilant sur le prix parce que régulièrement, on peut constater que les entreprises font appel à un prestataire de manière régulière et lui versent chaque mois la même somme, fixe. C’est un critère qui est parfois retenu pour caractériser une relation de prestations de services en relation de travail salariée. Il faut donc être extrêmement vigilant, confier des missions plus ou moins chronophages en fonction des semaines ou en fonction des mois et varier les montants qui sont alloués aux prestataires de manière à ce qu’il n’y ait pas d’assimilation possible à un salaire et que chaque mois, on ait des montants alloués qui soient différents.

Je vous remercie pour votre écoute et vous dis à très bientôt !

1 réaction sur “ Prestataire de services ou recrutement en CDI ? Droit Devant #13 ”

  1. Ping Le recours aux prestataires freelances : entretien avec MALT – Victoire Avocats

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