Victoire aux Prud’hommes : la nullité du licenciement reconnue par les Juges

 

Cette semaine, nous partageons avec vous une belle victoire remportée devant le Conseil de Prud’hommes pour l’un de nos clients.

Les faits – Un grave conflit éthique sur fond de crise sanitaire liée à la COVID

Les faits se sont déroulés en pleine crise COVID, au sein d’une filiale du Groupe VEOLIA, spécialisée dans le traitement des boues d’épuration et des déchets organiques.

Notre client, numéro 2 de la Société, y occupait en dernier lieu, les fonctions de Directeur des Relations Institutionnelles.

A ce titre, il était notamment en charge du lobbying et représentait la Société au sein du Syndicat des Professionnels du Recyclage en Agriculture (SYPREA) qu’il présidait depuis 1996, outre d’autres missions au sein de la Société et du groupe VEOLIA.

En mars 2020, notre client était interrogé par le Ministère de la transition écologique (MTES) sur les mesures à adopter afin d’éviter la propagation du virus SARS-CoV-2 au travers des activités de traitement et de retour au sol des boues d’épuration.

Il proposait une série de techniques barrières visant à éviter tout risque de propagation du virus en s’appuyant notamment sur les travaux menés par les experts VEOLIA.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) jugeait  nécessaire d’appliquer les mesures proposées par notre client et d’en prescrire certaines, plus conservatoires encore, en interdisant l’épandage des boues non hygiénisées, ces dernières pouvant constituer une voie de dispersion du virus dans l’environnement et un risque pour la santé publique.

Cette interdiction d’épandage des boues d’épuration devait profondément contrarier le supérieur hiérarchique de notre client, lequel n’y voyait que contraintes et surcoûts, sans en percevoir la dimension responsable et protectrice à l’égard de ses salariés et des tiers.

C’est dans ce contexte que notre client allait faire l’objet d’un licenciement, se voyant reprocher d’avoir proposé des mesures trop protectrices qualifiées d’« excès de zèle » par sa hiérarchie puis d’avoir sollicité directement Antoine FREROT, PDG du Groupe à l’époque, ainsi que le Comité éthique du Groupe pour obtenir leur arbitrage.

Alors qu’il cumulait 36 ans d’ancienneté au sein du Groupe, notre client était soudain mis à pied et licencié pour faute grave.

Rappelons que le licenciement pour faute grave entraîne la rupture du contrat de travail sans indemnité de licenciement ni indemnité de préavis, le maintien du salarié fautif à son poste de travail étant rendu impossible en raison de la gravité de la faute.

 

L’enjeu

Dans ce dossier, plusieurs questions juridiques étaient soumises à l’analyse du Conseil de Prud’hommes :

Tout d’abord, nous soutenions que le licenciement encourrait la nullité et non une simple requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La différence est substantielle car lorsqu’une cause de nullité est retenue par les juges, elle permet de déroger au plafonnement de l’indemnisation imposé par le fameux « Barème Macron ».

 

Pour obtenir la nullité du licenciement, nous invoquions le fait que la rupture du contrat était intervenue en représailles après que notre client ait fait usage de sa liberté d’expression et dénoncé le conflit éthique auquel il était confronté. La protection particulière des lanceurs d’alerte lorsqu’ils dénoncent un risque grave pour la santé publique ou l’environnement était également avancée, ainsi que les dispositions relatives à la protection du salarié qui refuse de subir des agissements de harcèlement moral et ne peut être sanctionné pour en avoir témoigné.

 

 

De son côté, la Société contestait notre analyse. Selon elle, le licenciement pour faute grave était pleinement justifié et ne constituait pas une mesure de rétorsion suite à l’alerte éthique lancée ni à sa plainte pour harcèlement moral. En outre, la Société considérait que tant l’alerte éthique que les plaintes pour harcèlement moral avaient été formées de mauvaise foi par le salarié, de sorte que celui-ci ne pouvait se prévaloir d’aucune protection spécifique à ce titre.

Note : En France, aucun salarié ne peut être lésé de quelque façon que ce soit pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral, ou pour en avoir témoigné. La Chambre sociale de la Cour de Cassation en a déduit qu’un licenciement motivé en partie par un tel grief était atteint de nullité (Soc. 10 mars 2009, Bull. Civ. V n° 66 ; Soc. 19 octobre 2011, n°10-16.444). Mais elle a toutefois réservé le cas où la dénonciation procède d’une mauvaise foi de l’intéressé (Soc. 27 octobre 2010 ; Soc. 7 février 2012, n°10-18.035). C’est cette réserve que tentait d’exploiter la Société, en soutenant que notre client avait agi de mauvaise foi et avec déloyauté.

 

 

Ensuite, nous sollicitions la reconnaissance personnelle de la responsabilité du supérieur hiérarchique de notre client dans le harcèlement moral subi et demandions à ce titre à ce qu’il soit condamné solidairement avec la Société sur ce chef de préjudice.

 

Notre argumentaire consistait à soutenir que la responsabilité de l’employeur, tenu de prendre les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral, n’exclut pas la responsabilité personnelle du dirigeant auquel il incombe de prendre soin de la sécurité et de la santé des personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail.

 

Et que dès lors, engage sa responsabilité personnelle à l’égard de ses subordonnés le supérieur hiérarchique qui leur fait subir intentionnellement des agissements répétés de harcèlement moral.

 

 

La décision

Il est difficile de faire reconnaître des causes de nullité en droit du travail.

Et il est rarissime d’obtenir la responsabilité personnelle du dirigeant d’entreprise.

Dans l’affaire plaidée, Victoire Avocats a pu obtenir satisfaction sur les deux points juridiques évoqués.

L’entreprise a été condamnée à verser à notre client plus de 300.000 euros d’indemnité « en réparation du préjudice subi » et 73.000 euros pour « manquement à la sécurité et à la santé ».

Une belle victoire relayée par MEDIAPART dans son article du 20 septembre 2022 !

 

 

Marylaure Méolans, Avocate Associée

 

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